Trois points dans la cité : trois espèces de containers grillagés et peints en blanc avec objets entreposés à l’intérieur et débordements à l’extérieur ; dépôts laissés par ceux qui viennent d’emménager ou qui font le tri en déménageant ; choses vues comme autant d’ images en relief ; dans celui de l’allée proche, il y a les lattes éclatées d’un lit ayant fait son temps, les tables aux pieds cassés — étoiles domestiques qui ne font plus la pointe — ; des livres mouillés ; les sacs de vêtements dont les couleurs dépassent l’entassement ; il y a des casseroles presque neuves, déjà remplacées ; au-dessous, il y a le grand tapis aux motifs rouges et verts, avec brûlures ; dans le coin, il y a le tricycle aux tristes roues tordues, qu’on voudrait réparer ou consoler, les jouets dispersés, les cassés ou les potables ; il y a les étagères désarticulées, privées de contenu ; les écrans de fumée et les vieux câbles enroulés comme nids de pie ou spaghettis ; il y a les reproductions de fleurs pâlies dans leurs cadres, et en équilibre instable, la liasse de factures délavées, aux auréoles violettes ; il y a des accoudoirs et des roulettes, un arbre à chats tout gris, des valises vides ; il y a un ordinateur dépassé par les événements, des bribes et des pièces méconnaissables, bonnes pour la déchetterie ; dans la boîte sans couvercle, des photos collées par un mélange de pluie et de gélatine face contre face ; il y a les pages tournées, les rejets, les tentatives de passer à autre chose, les réductions ; sur une chaise bancale, il y a le petit bateau de pêche acheté dans un bazar au bord de la mer du Nord, puis offert à la vieille Adélaïde avant d’être largué dans la cage par la famille qui a vidé sans état d’âme l’appartement après la disparition de son occupante ; il y aura d’autres vies, d’autres dépôts ;