La clé du local du rez-de-chaussée, au tableau dans la loge, celle avec l’étiquette aux doubles voyelles blanches; il croyait se souvenir qu’elles étaient noires, il n’a pas oublié son étonnement quand il avait lu le poème; il lisait tout ce qui tombait sous ses yeux.
Une fois par semaine il passe et il aère, la serpillère attendra : par arrêté préfectoral les réunions sont proscrites; tout rassemblement est proscrit.
Les chaises pliantes en cercle, le tableau effaçable sur trépied dans le coin droit du côté de la fenêtre qu’il est venu ouvrir; les barreaux aux couleurs acidulées pour donner une impression d’ouverture ; la table, une simple planche sur tréteaux avec la machine à café et la bouilloire ; quelques biscuits dans un bocal, un autre avec le sucre : Prenez avait dit une des responsable de l’association, qui sait quand nous reviendrons.
Il pense aux ombres des mardis et des jeudis, à celles du samedi, les mêmes pas les mêmes ; anonymes de longs ou courts séjours.
Il y en a dans l’immeuble pour dire que ça draine le pire, qu’il faut fermer même si le local ne s’ouvre pas qu’à « Eux » : Elles, vous imaginez, même des mères. Il y a aussi une garderie, du soutien scolaire, le mercredi : une honte d’exposer ainsi des enfants à respirer le même air ; un atelier d’écriture le lundi ; une chorale deux soirs par semaine.
Celle du troisième a écrit lettres sur lettres au syndic pour dénoncer le danger de ces regroupements de loques humaines, elle se plaint aussi des nuisances sonores de la chorale – le gardien qui vient d’Algérie elle a fini par le tolérer parce qu’il est serviable. Aux réunions de copropriété l’association a plus d’une fois sauvé sa peau de justesse.
Il referme la fenêtre : au tableau les mots TEMPS NUIT AUJOURD’HUI. Il pose un torchon blanc sur les tasses.
Il pense aux ombres, il les imagine dans le noir; il a connu quelqu’un qu’il n’a pas pu sauver.
Il pose la clé au tableau. Il attend pour refermer sa porte.