Histoire du premier pas, où l’on verra tomber, tomber encore, retomber, et tomber à nouveau un petit garçon qui apprend à marcher.
Histoire de l’enfant qui rêve de voler et qui, par une étrange torsion de l’esprit, finit par confondre « vol » et « vol ».
Histoire de la petite fille qui voulait lancer un grappin, mais qui s’empêtra dans la corde.
Histoire du champ à traverser dans la nuit pour aller chercher du lait à la ferme voisine.
Histoire d’un vieil homme qui connaît tous les mots du dictionnaire par cœur, mais qui ne dit jamais rien.
Histoire du vieux jardinier qui taille lentement un bâton de réglisse pour tenter d’apprivoiser un enfant en colère en lui racontant des salades.
Histoire de l’homme qui s’en va pêcher loin de chez lui pour finalement se demander pourquoi il reste chez lui.
Histoire de l’ami imaginaire qui s’efface de la mémoire en s’apercevant que tout le monde a, au fond, la même histoire.
Histoire des pivoines, du bulbe, de la tonnelle, de l’arc, et du mot « éplucher », sans oublier celle de l’archer qui ne voulait jamais faire de mal à sa cible, mais qui faisait pire.
Histoire de l’oseille qui ne pousse jamais très loin des salades.
Histoire de la collection d’empreintes d’écorces pour conserver le souvenir des arbres.
Histoire de l’homme qui tue les oiseaux parce qu’il ne peut pas voler.
Histoire d’un matin d’hiver, de quelques gouttes de sang éparpillées sur la neige, et de l’atroce surprise d’aimer l’odeur de la poudre.
Histoire de la violence qu’on ne veut pas voir en soi et qu’on ne cesse d’apercevoir chez les autres.
Histoire de la découverte de l’autre comme étrangeté, et du semblable comme pire monstruosité.
Histoire du tuyau d’évacuation sanitaire qui aspirait à devenir flûte de bambou.
Histoire des révolutions qui tournent en rond, parce que c’est dans leur définition.
Histoire du ridicule comme outil d’exploration du sérieux.
Histoire torride qu’on se raconte en aparté pour économiser le chauffage.
Histoire de la découverte du « rien » au cours d’une initiation à l’astronomie, avec un bel évanouissement à la clé.
Histoire d’une impasse dont on trouve tout à fait par hasard l’issue.
Histoire de ce qu’il se passe sur le pont qui enjambe le Cher, au-dessus des abattoirs, un jour de brouillard.
Histoire d’un homme qui ne cesse jamais de raconter les mêmes histoires pour ne pas se risquer à en raconter d’autres.
Histoire de Shéhérazade qui interrompt son récit pour faire durer à la fois l’envie de meurtre et le plaisir.