Mo, beaucoup ne connaissent pas son vrai nom. Les anglophones disent Mow, les autres simplement Mo. Les w de son nom restent, pour tout le monde, liés à ses origines, à son enfance, à ses origines britanniques, puisque les îles Shetland font partie de l’Écosse qui fait partie des îles britanniques. Mowrowth. Sa famille a fait fortune peu après sa naissance dans les années 70, au moment du grand envol pétrolier en mer du nord, en devenant fournisseurs officiels de moutons pour nourrir les ouvriers des plateformes pétrolières. Ce qui leur a permis d’acheter l’île Lavrec et de venir d’abord y passer les étés avant que Mo n’en fasse son camp de base et sa retraite secrète entre deux expositions de ses photographies à travers le monde. Elle y vit à plein temps et ne quitte quasiment plus l’île depuis le milieu des années 90.
La grande fortune des Mowrowth a une histoire un peu floue, emprunte de petites histoires pas toujours d’un blanc pur. Les Mowrowth ont toujours été des gens habiles en affaire, avenants et sympathiques, accueillants en surface et toujours prêts à recueillir les confidences. Dans un pub de Scalloway, Henry, le père de Mow, aurait eu vent de l’installation du terminal pétrolier sur leur île et a acheté à très bas prix les terres d’un vieux fermier célibataire, Monsieur Smith, acariâtre et sans descendance. Des terres qu’ils auraient ensuite revendues beaucoup plus cher à BP. Monsieur Smith aurait crié haut et fort qu’il allait porter plainte pour escroquerie, mais il est décédé avant d’avoir pu réunir des preuves et saisir la justice à ce sujet.
Madame Mowrowth vit sur l’île Lavrec à l’année depuis le milieu des années 90 et ne la quitte pratiquement jamais. Sa carrière de photographe a pris un tournant radical à cette époque, au moment de ses déclarations très vives contre l’industrie pétrolière. Elle délaisse alors les photos de mode qui l’ont rendue célèbre et après une longue traversée du désert, elle propose désormais des images dont le sujet et le thème principal sont la nature, la mer et le littoral. Elle écrit également. Depuis fin 1989, elle a coupé tout lien avec sa famille qui vit toujours aux Shetlands où les Mowrowth gardent une grande influence sur la vie locale et sur les affaires pétrolières.
23 mars 1989, le pétrolier Exxon Valdez s’échoue sur l’île Busby, non loin du terminal pétrolier de Valdez qu’il vient juste de quitter. L’échouement a entraîné le déversement de 40 000 tonnes de pétrole brut. Plus de 7 000 km2 de nappes polluèrent 800 km de côtes (2 000 km avec tous les îlots et échancrures). Des dizaines de milliers de bénévoles et des moyens sans précédent sont mobilisés pour sauver oiseaux et mammifères marins, et nettoyer le littoral plage après plage. Parmi les bénévoles, James, qui vit alors avec Mow une histoire passionnée et serait le père de son enfant. Au moment de l’accouchement, à Rennes, James est en Alaska et y reste malgré les messages. L’accouchement se passe bien mais la petite fille a des gros problèmes de santé et décède à peine deux semaines après sa naissance. Elle est enterrée sous le nom de sa mère. Quant à la famille de Mow aux Shetland, restée très attachée aux conventions, en particulier au mariage, elle voyait cette relation d’un très mauvais œil et le bruit court en Écosse que le décès du bébé ne serait en réalité qu’un avortement déguisé. Échanges très vifs entre Mow et sa famille, ils décident d’un commun accord de lui donner Lavrec, à condition de ne plus jamais entendre parler d’elle.
Les statuts de l’association Lavrec, l’école du bois ont été déposés au début de l’an 2000 par Mary Mowrowth. L’association est domiciliée sur l’île Lavrec, dépendant administrativement de la commune de l’île de Bréhat. L’objectif de l’école du bois est de promouvoir, maintenir et développer le travail du bois, exclusivement à l’aide d’outils à main dans les domaines non exclusifs de la menuiserie, fabrication de meubles et construction de petits bateaux voile et aviron. Mow dispose d’une grande quantité d’outils à mains, ciseaux, rabots scies de toutes sortes et de toutes dimensions, ayant appartenu à son grand-père Josef, lui-même menuisier aux Shetland.
Sur les îles Shetland, la forêt est quasi inexistante, et le métier de menuisier n’y est représenté que de manière anecdotique. Les deux grands-pères de Mow étaient respectivement pêcheur et éleveur de moutons, le pêcheur aurait eu un penchant pour la sculpture et aurait décoré la proue de son bateau d’une tête de macareux gravée au canif. La quantité impressionnante d’outils à mains présents sur Lavrec est en réalité la propriété d’un autre Josef, lituanien sans papiers au moment de la création de l’école du bois et qui vit sur l’île avec Mow depuis leur rencontre en 1995.