Mme Puygarin, Estelle Puygarin, racontait sa vie sur Facebook. Elle postait de dix à douze photos par jour et rencontrait ainsi des gens au fil du fleurissement de ses plantes grasses, de ses recettes de cuisine, de ses ballades dans sa région. Elle répondait aux commentaires et n’hésitait pas à en émettre. C’est ainsi qu’elle avait rencontré Noémie Lwoff. Estelle habitait dans les environs de Crest dans la Drôme à une adresse qu’elle gardait secrète, mais avait vécu autrefois à L. village dont Noémie Lwoff relayait les faits divers et les images.
Estelle Puygarin était avide de détails précis sur son ancien village et ses habitants tout en restant très imprécise sur sa propre situation. Il fallait lui expliquer où étaient prises les photos, qui était cette personne qu’elle reconnaissait sur une photo de groupe, comme si cette vie d’avant lui avait laissé une grande nostalgie. Noémie Lwoff répondait avec beaucoup de bonne volonté tout en considérant leurs échanges comme déséquilibrés. C’est pourquoi elle s’enhardit jusqu’à poser des questions à Estelle Puygarin qui répondit simplement qu’elle avait autrefois été mariée avec un certain Marcel Dubourg, salarié des établissements Jacquet, dont elle était divorcée. Ledit Marcel Dubourg vivait avec l’esthéticienne du village de L. et les deux ex-conjoints avaient gardé d’excellentes relations aux dires d’Estelle Puygarin.
Noémie Lwoff connaissait un peu Marcel Dubourg, pilier du club de volley du village, mais surtout son fils Théo qu’elle avait eu en classe de CM1, un élève difficile, tout à fait dyslexique et peu habile de ses dix doigts. D’après son père, il était devenu apprenti boucher après s’être essayé au métier de carreleur qu’il avait abandonné suite à d’importantes difficultés médicales (genou et colle). Noémie Lwoff ne connaissait pas l’esthéticienne et n’avait jamais vu Marcel en compagnie d’une compagne ou même d’une femme. Ce qui ne voulait rien dire, car le club de volley était presque exclusivement masculin. Théo était-il le fils d’Estelle et de Marcel ? Estelle n’en parlait jamais et Noémie osait d’autant moins poser la question que Mme Puygarin s’enorgueillissait d’enfants très brillants vivant malheureusement aux antipodes.
De confitures de coings en récoltes abondantes de girolles, de travail dans les champs de lavandes en promenades avec ses chiens ou en quad, Estelle puygarin semblait s’être refait une vie heureuse dans le Sud dans la maison héritée de son père avec un producteur de lavande prospère dont elle avait eu ces enfants partis aux antipodes. Était-ce bien la réalité ou une simple fiction qu’Estelle se racontait ? Le silence sur Théo était mystérieux et Noémie était curieuse. Investigatrice aurait-elle dit, car la curiosité est un vilain défaut alors que l’investigation a quelque chose de noble. C’est ainsi qu’elle se rendit chez Estelle dont elle avait obtenu l’adresse exacte moyennant le tout petit subterfuge d’un envoi postal qui intéressait Mme Puygarin (il s’agissait sans doute du Mag publié par la municipalité).
C’est ainsi que prétextant un viron estival dans la Drôme Noémie arriva dans le village de Mirabel et Blacon par le chemin de sans souci jusqu’au camping naturiste valdrôme soleil. Estelle Puygarin en était la gérante et tenait l’accueil dans le plus simple appareil.