#LVME #04(2) | moucheté

quatre-vingt centimètres en dessous, un lino gris moyen tirant sur le bleu. Uni. Plat. Souvent on devine un moucheté : hall, salles, couloirs. Chambres aux linéaires de lino avec « mouches », projections de micro gouttes, superpositions de valeurs et de teintes plus ou moins contrastées, gage de profondeur; avec préférence pour le coquille d’œuf brouillé d’ocre, d’ombre naturelle et de gris ou le bleu pouponnière piqueté de blanc, de beige et de jaune paille. Effet trompe œil qui confère aux taches, et autres éclaboussures, une présence moins flagrante, voire fantomatique, qui les intègre à défaut de les incorporer tout à fait. Sur un moucheté tout passe mieux. L’uni souffre l’accident, ( ou ne le souffre pas) il l’éprouve, le souligne; les taches ton sur ton font exception (l’aube blanche et la tache du premier sang comme une faute majuscule ; celle à fleurs du dimanche où la tache se noie.) Sur la droite, quatre vingt centimètres plus bas, au sol donc, à une distance d’environ un mètre – mesure estimée aux passages récurrents de mules perforées blanches, mesure en pieds ou en pas : voir ce ballet de pas frôler, longer, éviter les obstacles. Ce mouchoir en papier blanc avec une auréole brun rouge, ni tout à fait ovale ni ronde, du contexte déduire : compresse, soin, plaie, sang, pus, bactéries… Il aura glissé. Échappé. Chu. Là, seul, en plan : métonymique. Tire l’œil à lui, l’écarquille, le retient: motif obsédant. Tache. Sang. Signe avant coureur. Il faudrait le ramasser. Se lever, le faire disparaitre. Et derrière une porte,là, dans le dos une plainte grandit. Halètement, cri muré : Doucement, doucement dit une autre voix.
– Regard fuit droit, trouve plinthe, traces de frottement de talons ou de roulettes de caoutchouc noir, bord rogné. Regard gravit mur: papier gaufré jauni lacéré à hauteur de tête de lit ; prises trois, des fils translucides pendent. Au mur, fixé en hauteur, l’écran d’un téléviseur, images que reflète la paroi de verre qui sépare les box du couloir (des rideaux bleu font boxes) : J’ai un incroyable talent … Fauteuil métallique adossé au mur, assise et dossier de skaï rouge, crevé à trois endroits, des choses invisibles , ça grouille comme des passants dans la cour des pas perdus. Tout se mélange dans la nuit halogène.
( sangles de contention à la renverse – poussières textile – cellule mortes – roulettes – dessus de lavabo sans glace – mesures d’hygiène encollées à même le mur – papier charpie – support métalliques avec solution bactérienne en bidon – support métallique vide – porte à hublot – lumière blanche en plafonnier – fenêtre à hublot sur ciel et cour avec sérigraphie blanche opaque d’inspiration végétale – ciel nuit jaune

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

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