#LVME #04 | repérage

Bitume aux éclats de racines.
Signalisation horizontale anthropométrique ou abstraite : ligne continue. Piéton. Flèche. Vélo.
De l’eau (pisse) dessine une île, retient le ciel , des oiseaux y boivent

Fresque : visage serti de fenêtre sur quatre étages, femme au turban; sinon couleur ocre, volets mécaniques rouge brique

Parterre de pelouse. Herbe rase, rare, jaunie. Déjections.
Buissons à fleurs mauves ou roses selon

Baies, portes de verres. Digicode avec bouton d’appel alphabétique
(navigue au Z : Zharb Zhang Ziegler navigue au H : Haab Hecquet Hidoux…) ( l’autre jour sur un mur – dans la liste alphabétique par années – le nom du père, le sien )

Tapis d’accueil antidérapant à picots synthétiques encrassés enchâssé dans un rectangle de béton. Le bord du tapis rebique.
( le bord qui rebique, la crasse, la fissure, l’accident c’est le plus difficile à reproduire – l’usure pour faire vrai, la faille,l’accident -, dit le père en prenant une photographie de détail au Polaroïd . On se souvient des critiques au décorateur Trauner à propos du château des Visiteurs du soir : Trop blanc, trop neuf, trop propre… à quoi Alexandre avait répondu : Le château ( reconstruit en studio) est contemporain de l’histoire qui s’y déroule pas; un château neuf pas un reliquat avec ses strates d’histoire)

Faux bois les murs; de grands miroirs à chaque extrémité de couloir comme des caméras sans mémoire. 
Jeu d’appliques en verre , à détecteur de mouvements – température couleur froide donne aux murs faux bois une coloration verte. Angle de murs, sous plafond, caméras : axe portes d’ascenseur .

Pan de verre martelé deux mètres sur deux (avec jointure encrassée), vers la cour effet de flou texturé
(c’est elle qui prend une photo avec son téléphone recyclé à un seul objectif, elle pense qu’il faut en changer pour un plus sophistiqué : garder trace -floue- comme enregistrer les fantômes )

Portes rouges, cabine large et profonde tapissée de miroirs : boutons à hauteur de fauteuil, douze étages et sous-sol. Sol lino marbré gris. Caméra mais où?ou pas. Là dans le coin droit ? bouton appel de secours

Couloir éclairage insuffisant : cinq portes fois deux, à droite; cinq fois deux, à gauche. Sonnettes, nom ou pas; paillasson ou pas et nom parfois ; chaussures de sport une paire; pack d’eau trois ou quatre ; poussette deux ; parapluie un; carton un jeu, empilés, marque Auchan
Papier peint gaufré qui se décolle autour des portes. Papier qu’on a résolument arraché autour de cette porte là
Fil électriques sortis de leur gaine.
Consigne – en cas d’incendie – sous verre de chaque côté des ascenseurs, plan sommaire des issues

Intérieurs: Bâche mouchetée de plâtre sur lit de carreaux noirs blancs, transparence ; parquet vitrifié ; chute de moquette synthétique râpeuse en fond de placard ; Lino vert cru puis jaune puis autre à motif; barre de seuil avec visses dévissées; carreaux devenus poreux : matière qui fait grincer des dents ; portes de placard starifiées ; aggloméré en friche ; salissures d’interrupteur; tour de poignée de portes noircis; trainée de feutre : arc en ciel ou queue de comète ; empreintes de doigts taille enfant ; puzzle de mousse en tapis, gommettes rouges et jaunes ; tapis rond à franges avec couleurs franches ; fleurs romantiques bleu porcelaine en tapisserie ; papier paille de riz d’un couloir, léger relief ; pan de mur bleu ; pan de mur beige ; vue de Naples lenticulaire sous verre; jeu de post-it en chemin de fer; cartes du monde en deux morceaux; natures mortes accrochées en colonne : robinet avec citron sur orange saturé, poire et pomme en compotier ; poire emboitées dans une coupelle verte, peintes sur dos de cadre avec trou d’accrochage; mur blanc nu, parquet flottant avec rayure ; murailles de livres ; étagères vides ; canevas inachevé dans un cadre à Marie-Louise or ; horloge sérigraphiée : le temps qui passe

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

2 commentaires à propos de “#LVME #04 | repérage”

  1. En lisant ce texte, je me suis souvenu que la consigne m’a tout de suite inspiré « la crasse » des sols et des murs , encoignures ou coins oubliés, jamais ou mal nettoyés. C’est ce qu’on voit en premier quand on circule en ville malgré le travail de Sisyphe des femmes et hommes d’entretien , » technicien.ne.s de surface », des conciergeries de plus en plus rares, des agents municipaux ou hospitaliers préposés à l’hygiène collective. Le rapport à « l’impeccable » est très contrasté selon les quartiers et l’argent qui y circule. A la campagne on retrouve ce souci de la lutte contre l’enlisement terreux et boueux et cette litanie de corvées qui incombe le plus souvent aux femmes. Les hommes anciens supportaient mieux la saleté, générations de soldats et de travailleurs à la sueur de leur front. Les femmes éduquées à la tenue de leur maison et au service de la famille. Pas question de s’y soustraire. Aujourd’hui, la propreté se trouve dans les lieux publics qui tiennent au standing de leurs prestations, on préfère démolir, repeindre ou restructurer les aménagements qui vieillissent , la crasse et le désordre sont relégué.e.s dans les arrière-boutiques, et les arrière-cours  » où l’aube n’a pas toujours sa chance » comme le chantait Barbara… Plus qu’un rapport aux sols et aux murs, c’est la relation à la crasse que m’inspire cette consigne. Et je la retrouve a minima dans ton texte. Du coup ça me saute aux yeux et aux narines. Dans mon étable elle était plus familière mais le choc dans l’enfance était avéré. Un mélange d’attirance et de répulsion…

    • La terre, la boue, la glaise, le salpêtre attraction/rêverie (répulsion dans la confusion qui peut s’installer) La crasse urbaine ( pisse ordure et autre déjections chiens pigeons et autres bipèdes ) produit de belles images flaques de trottoir, tracés de hasard… puis l’odeur de la réalité remonte, la la crasse épandue se révèle dans sa matérialité, elle rejoint sa source , vient le dégoût traces se confondent avec crasse … dans les halls d’immeubles, elle répugne… le dehors pollue le dedans… une fissure dans le mur inquiète ( c’est beau une lézarde) . La crasse des bois, des chemins, des rivages n’est pas la boue, ni les amas de feuilles pourrissant, pas les pierres ou les branches éparses : ce sont les ordures déversées les sac et plastiques abandonnés…je m’emmêle les crasses . merci du passage sur tes terres d’enfance Marie Thérèse

Laisser un commentaire