#LVME #02 | sous-sol

Il est perché sur l’escabeau du sous-sol, penché en avant, bras droit enfoncé dans le mur. Il tient son téléphone dans la main gauche , le faisceau avec lequel il s’éclaire dessine une auréole nette sur le mur. De ses vêtements noirs on ne peut rien déduire, ni du tatouage qui sinue sur sa nuque. Il fait sombre. Le silence pèse. Au mouvement tournant de son omoplate on comprend qu’il fouille; dans l’effort il émet un léger sifflement de gorge. Quand il se retourne son visage empoussiéré est celui d’un homme jeune. À présent, presque à genoux, il scrute le sol. Du bout de sa main gantée de vinyle clair, il l’effleure , puis à l’aide d’une pince d’aluminium il prélève une chose noire de la taille d’une mouche qu’il glisse dans un sac rectangulaire translucide. Un écoulement dans les tuyaux du mur déferle. Puis rien. Le silence. Plus lourd encore. Mais il perçoit comme un grattement. Ou c’est autre chose : un souffle peut-être. Il braque la lampe de son téléphone en direction des containers. Dans l’obscurité du sous-sol des yeux le regardent. Il entend la voix. Sa propre voix.
ICI, SI LE TRAITEMENT DE TEXTE FONCTIONNAIT, IL Y AURAIT UN CHANGEMENT DE TYPO, VOIRE UN ENCADRE, POUR SIGNIFIER QU ON POSE UN AUTRE TEXTE, SORTE DE PROLONGEMENT A DEVELOPPER : APARTÉ, ARBORESCENCE
(a-priori rien ne le distingue du livreur de réfrigérateur ou du plombier – ce qu’il fait c’est pas inscrit sur son maillot : on ne se transforme pas en homme sandwich, pas qu’on ait honte mais . Il a une carte, il la présente à la demande. Et puis la camionnette affiche un logo explicite, assez pour alerter . Les gens se disent, s’il y a ça chez les voisins ça peut arriver chez moi, même que ça y est peut être déjà chez moi, ils sont là et je ne le sais pas; ça se répand si vite, c’est folie, il faut agir vite , après c’est fichu. (Prévenir et Guérir c’est le crédo de la boîte)
( Il n’a jamais voulu faire ça; c’est juste en attendant, mais en attendant quoi : du provisoire qui dure… c’était ça ou coursier, les chantiers au noir il en avait marre – Gaspard de la nuit- la Nuit transfigurée- le joueur de flûte de … –
( On raille son apparence : un vrai casse-dalle celui-là. Il s’habille en taille seize ans – seize ans des années 90 c’est pas si petit en vrai. L’escabeau c’est sa toise, 1M 65 en tirant bien. La finesse du corps c’est un atout, sa laxité aussi, ce que tu perds en hauteur et en force tu le gagnes en adresse.
Ramper, se glisser dans des espaces impraticables, se hisser à la force des bras, forcer, passer coute que coute; là son bras serpente entre deux murs, un jour il a passé la tête. Il lui manque de la longueur de bras mais avec les outils – on se les i- on compose avec ses insuffisances : transformer, inventer, détourner, forger ses outils pour pas crever, contrairement à l’animal on entend dire : ça c’est des idées toutes faites quand tu poursuis les bêtes tu comprends des choses : le corbeau n’est pas seul à se créer des outils complexes.
Il court. Son endurance impressionne
Travailler dans l’obscur ; ne pas avoir peur de l’inconnu, se battre contre des ennemis invisibles mais bien réels
Trou, gravats, ordure, vide-ordure, dessous d’évier, faux plafond, prises électriques, bouches d’aération, sous-sol, grenier, cage d’escalier
Dans le lit d’un enfant aussi les déjections (il a vu quelques fois des nids dans les lits)
Il scrute. Il traque. Il inspecte. Une méthode empirique renforcée par l’expérience
Tu as un sixième sens
Ton intuition est si fine , elle lui dit
A plat ventre dans les immondices le bras enfoncé dans un trou. Il prélève. Sonde. Fouille. Scrute. Flaire.
souvent il vomit
Une fois du sang
Il a ce rêve récurrent (ni tout à fait le même ni tout à fait un autre). Il est une bête pourvue de huit pattes dont quatre sur l’échine qui lui permettent de se tenir au plafond sans avoir à se renverser, il dispose d’une longue queue, tantôt elle lui sort de la tête, tantôt de la bouche, parfois elle est accrochée à son nez elle sinue, elle se tend jusqu’à à le faire loucher. Il lui a raconté que son anus, mais c’est un rêve tu sais, est pourvu de dents minuscules: il peut se défendre sans avoir à se retourner. La couleur des yeux il l’a oubliée
Dans le rêve elle le caresse, son pelage gris étonnement doux et elle lui parle dans une langue inconnue
Il se réveille en hurlant une gelée bleue le dévore)
(souvent les gens ne lui serrent pas la main, ils ont même un léger mouvement de recul comme si… puis ils l’assaillent de questions, ils l’écoutent bouches-bée ; vous être notre sauveur aiment-ils croire : Vous allez nous en débarrasser, dites, vous allez me sauver dites moi , et vous pensez qu’ils reviendront, vous le pensez
Qu’ils reviennent ou pas lui il devra revenir, trois passages minimum dit le patron
Et puis il y a leurs blagues : Vous y songez parfois à en verser dans la soupe ? Et votre fils ? Il s’appelle Gaspard… ) 
(les plumes dans l’escalier c’est elles qui ont alerté le gardien, les plumes, les deux pigeons déchiquetés : c’est horrible vous ne trouvez-pas?
ils remontent
ils remontent
ils auront notre peau
c’est pas les ordures
elles sont ramassées les ordures
c’est le vide
les rues les couloirs c’est le vide de nos vies
ce sont les corps derrière les portes ça stagne)
(Il commence par repérer les lieux il ne déplace pas ses outils et ses produits avant d’avoir vu)
le gardien lui a ouvert à l’interphone
il descend au sous-sol
ll fait un relevé des passages
les déjections
parfois on ne trouve rien
La taille, la forme ça permet d’éliminer des pistes. Inspection des sols, inspection des trous, prélèvement, photo au téléphone portable et zoomer dans l’image . Il a des petit sacs de congélation pour échantilloner il y glisse un fragment)
Il s’est perché sur l’escabeau qu’il trouvé dans le sous sol, il n’aura pas à sortir le sien, il est garé sous le métro aérien assez loin
il y a ce trou à 2m du sol, il passe le bras ses mains s’allongent, à force le métier lui est entré dans le corps – il le porte sur la peau; à force il a développé un odorat et une vision plus tranchante.
Le métier ça pénètre dans les gens, souvent ça les pourrit de l’intérieur, ils ne la savent pas, ça pourrit)
On manipule les poisons on devient poison on traque les nuisibles on devient)

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

7 commentaires à propos de “#LVME #02 | sous-sol”

  1. Très intéressant le rapport de l’ouvrier à son ouvrage : « Le métier ça pénètre dans les gens, souvent ça les pourrit de l’intérieur, ils ne la savent pas, ça pourrit (ni bruit ni odeurs)
    On manipule les poisons on devient poison on traque les nuisibles on devient) »
    La description qui en est (bien) faite, et celle du rêve aussi, flirtent avec un monde angoissant… Le tout avec une écriture dont j’apprécie le rythme. Merci !

  2. Je repasse et je vois le prolongement. Bien aussi. Menace insidieuse qui se poursuit et le métier de l’homme, ce que cela infuse en lui-même.  » (a-priori rien ne le distingue du livreur de réfrigérateur ou du plombier – […] Et puis la camionnette affiche un logo explicite, assez pour alerter . Les gens se disent, s’il y a ça chez les voisins ça peut arriver chez moi, même que ça y est peut être déjà chez moi, ils sont là et je ne le sais pas; ça se répand à si vite, c’est folie, il faut agir, après c’est fichu. » Merci, Nathalie.

  3. Bravo pour cette nouvelle, pour ce personnage.
    PS: Il y a quelque temps, à un repas, une femme assise de moi, me dit: Comment peut-on appeler son fils Gaspard? On ne se connaissait pas, alors je la regarde et je lui dis , mon fils s’appelle : Gaspard et j’adore son prénom, son surnom c’est Pépito, mais ça c’est une autre histoire.

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