On le voyait partout, on en était sûr : au volant de cette décapotable rouge qui démarre dès que le feu passe au vert – il respecte le code, c’est un homme respectable, bon père de famille et même, à présent, grand-père. On le voit partout mais il n’est nulle part.
Une boulangère l’a aperçu au même moment, qui regardait l’intérieur de sa boutique : le temps qu’elle aille le trouver, il avait disparu – on n’a jamais vu un type de cette classe entrer dans une boulangerie, cependant – un jour un politicien à qui on demandait le prix d’un pain au chocolat s’est embourbé dans un ridicule qui ne l’a malheureusement pas tué.
Dans l’extrême sud du pays, à la pointe est du talon, on l’avait encore trouvé là, allongé sur un banc : il dormait, libre. On s’est employé à le réveiller, c’est lui criait l’employé de mairie, c’est lui, il est là !! Mais il s’est avéré que non. Il lui ressemblait seulement quand il dormait : éveillé c’était quelqu’un d’autre, un homme plus petit, le cheveu peut-être assez gris, le costume croisé peut-être froissé mais non, définitivement ce n’était pas lui. On l’a bousculé, on lui a demandé ce qu’il faisait là, les cris fusaient il fut presque battu de n’être que lui, on le laissa partir.
Au nord, dans les usines, les entrepôts, les champs les forêts les collines les villes les rues les boulevards les moulins où l’on entre les refuges montagnards les pharmacies les établissements thermaux les bars les restaurants les épiceries les merceries les supermarchés les pizzerias on le voyait partout mais il n’était nulle part.
On arrêtait les voitures, les camions; on fouillait les coffres et les valises, on essayait de trouver quelque traces de lui. À la vérité on faisait semblant, mais on y mettait du cœur : on essayait, on n’allait pas aller jusque sous les jupes des filles (comme disait la chanson) mais partout, nulle part, partout. Jamais. Il demeurait introuvable, et pourtant il continuait à écrire des lettres.
À un moment, vers le milieu de ce mois-là, on l’a reconnu dans une cabine téléphonique : il appelait son petit fils, c’était lui. Non. Il appelait le premier ministre, il était là, libre et en bonne forme : non. Les pistes étaient nombreuses, et plus de la moitié de la population du pays avait été interrogée, contrôlée, mise sous écoute, soupçonnée des milliers de camions ouverts et fouillés. Tous et toutes suspects. Non. Toujours pas ? Toujours rien. Comme s’il s’agissait de quelque sorcellerie, quelque magie noire, quelque diable : un coup du sort, qu’est-ce qu’on peut faire contre le sort ? Rien. On cherche, partout, dans tous les sens, comme des abeilles autour d’une ruche, ou des mouches autour d’un corps mort, le vrombissement l’air qui bouge un peu et puis rien.
Bravo , on est à sa recherche avec eux.
J’adore Piero, merci…
L’homme politique dont le ridicule ne l’a pas tué ! Si seulement parfois ils pouvaient exploser…
Merci à toi, Laurent – on n’est pas là de le trouver mais cherchons encore…
merci à toi, chère Clarence (l’aigle de Meaux dans la piscine de l’escroc…)
(bien content) merci…
consigne retournée mais formidablement, une geste cette recherche de lieux en lieux de cet homme qui n’est que lui (tiens à la suivre)
»( j’ai cru lire la proposition 2) Le chercher, le trouver et le perdre, je suis heureuse de le retrouver même en creux dans le sommeil d’un autre