Entre chien et loup, en novembre 1970, une lumière faible dans l’appartement du deuxième étage, sur la gauche de la façade. Elle semble provenir d’un néon apposé à un mur et qui n’éclaire un peu qu’au-dessous de lui. Une ombre de bras qui s’élèvent semble se dessiner avant qu’une lumière forte n’éclaire soudain toute la pièce et donne ainsi l’explication: un homme est en train de changer des ampoules défaillantes au lustre d’une cuisine.
Un mois de novembre gris comme il se doit, en 1970, au quatrième étage côté droit, la silhouette d’une femme penchée au-dessus d’une table, des cheveux gris retenus par une barrette en bois assez large. Sur le dos de son pull sombre le dessin d’une fleur colorée de tons rouges. Elle prépare le repas en coupant des tronçons de chou. Sur sa droite, d’une grande casserole s’échappe de la vapeur d’eau, une nuée grise s’élève et se perd.
En novembre 1970, en fin d’après-midi, au neuvième étage côté droit, un garçon d’une quinzaine d’années dans une chambre, s’acharne à jouer du violon, et répète toujours le même morceau jusqu’à ce qu’il trouve son interprétation réussie, ou, fatigué de n’arriver à rien de ce qu’il pourrait espérer, repose l’instrument dans son étui avec précaution et décide de ranger pupitre et partition.
Au crépuscule d’un jour de novembre 1970, au cinquième étage, côté gauche de l’immeuble, une jeune femme se tient pelotonnée dans un fauteuil en velours orangé, les jambes repliées sous elle. Elle est absorbée par le livre qu’elle tient sur ses genoux. L’expression de son visage montre qu’elle n’est plus là dans cette pièce mais dans un tout autre monde. beaucoup plus lumineux.
Lorsque la nuit se met à tomber, les deux garçons du sixième étage côté droit entreprennent une course effrénée dans leur appartement. Ils ont mis une coiffure d’indiens sur le sommet de leur crâne et ponctuent leur déambulation d’une pièce à l’autre par des cris appropriés au jeu dans lequel ils s’oublient. Leur mère assise sur une chaise attend que cela se termine. Sans doute, sait-elle qu’à cette heure-là de la journée, il n’y a rien d’autre à faire…
Au rez-de-chaussée de l’immeuble, le 20 novembre 1970, vers 18h30, un homme grand encore vêtu de son pardessus sombre serre dans ses bras une fillette aux longs cheveux blonds qui lui passe les bras autour du cou. La tête de l’enfant se niche dans le creux de l’épaule où ses cheveux s’étalent. Les retrouvailles du soir sont empreintes d’une lumière douce.
Solange , ce texte est toute en douceur et en nuance de couleur mordorée. Vous gardez votre singularité tout en vous inspirant de la Vie mode d’Emploi et en travaillant un côté neutre et anonyme. Merci !
Comme le dit Carle merci pour la douceur qui émerge de ce texte, cette vie ordinaire d’un immeuble