Celle qui enfourcha Rossinante. Celle qui l’éperonna sans se soucier de l’ourlet de sa jupe ni de sa culotte. Celle qui jamais ne s’appela Dulcinée. Celle qui décida d’oublier l’heure du retour et de la marée, celle qui jeta sa montre et les horloges de sa maison de poupées dans la hotte du ferrailleur du coin de la rue. Celle qui combattit le dragon et le terrassa proprement, sans verser son sang, sans en faire des caisses, sans réclamer la place d’honneur au fronton de la fontaine. Celle qui s’assit à la place de l’archange Gabriel, celle qui réclama une autre version des psaumes, tellement plus conforme à la réalité. Celle qui brûla tous les manuels de bonne conduite de celles qui étaient ses soeurs. Celle qui appela sa fille Shéhérazade, son chien Sultan. Celle qui rentra un soir sans bagages, celle qui empourpra le vestibule du rose de ses joues colorées d’aventure et de vent. Celle qui rassura Philéas Phog et Peter Pan, leur indiqua le chemin de la pharmacie la plus proche. Celle qui récrivit Antigone et envoya le vieil oncle à la cave. Celle qui n’aimait pas les manières d’Hercule qui jouait déjà les gros bras dans son berceau. Celle qui prêta son briquet à Aladin et de l’audace à Guenièvre. Celle qui accompagna Emma Bovary à la bibliothèque et lui fit lire L’Amant, histoire de lui changer les idées, histoire de changer la fin de l’histoire. Celle qui adorait les pique nique sur la corniche, rompait le pain, partageait le vin avec ses amis dans l’ivresse de leurs rires lorsque le disque rougi du soleil basculait dans la mer. Celle qui préférait la multiplication des songes à la multiplications des pains. Celles qui tous les jours oublient les prières vaines au profit de l’action. Celles qui des livres. Celles qui des mots. Celles qui déflorent les histoires à vieilles trames.
J’aime beaucoup : « Celle qui rentra un soir sans bagages, celle qui empourpra le vestibule du rose de ses joues colorées d’aventure et de vent. »
aurais voulu les connaître ou la connaître (mais si une elle était tant)