Volets entrouverts sur un ciel bleu, quelques branches d’un vert qui tranche dans le vif de la matinée. Les rideaux bleus foncés encadrent la double-fenêtre et s’accordent joliment avec le vert bouteille des volets. Quelques éclats de voix parcourent brièvement la chambre puis le silence tombe à contre-temps, sans s’annoncer, comme la branche surprise par un brin de vent net et bref.
Fenêtre ouverte sur un ciel blanc, rien ne bouge, les branches d’un arbre fruitier mais lequel? sont comme suspendus dans les airs. La vulnérabilité des feuilles menues en périphérie est couplée par la force d’un tronc fin et noueux qui puise sa sève à la verticale. Équilibre parfait. Les nuages se sont épanouis en un ciel blanc éclatant. La lumière n’est pas loin et offre sa chaleur. Une touche de bleu apparaît soudain, l’équilibre tend à s’inverser. Les branches de l’arbre s’animent en un mouvement léger qui prend de l’ampleur, le gris est emporté à grande vitesse au profit d’un bleu solaire.
Fenêtre aux quatre coins d’un bleu triomphal. Seul un petit nuage de fumée blanche flotte légèrement en haut à droite. Il fait chaud à présent, la chambre baigne dans une jolie couleur de soleil et fait monter l’odeur d’un corps prélassé de sommeil. Le bébé soudain touché d’un rayon de soleil gémit, rien n’y fait le soleil reste imperturbable. Le vent souffle et laisse place à toujours plus de bleu. Le volet poussé offre une ombre claire, comme un baume de silence apaisant.
L’heure bleue est à la fenêtre. Sa présence éclate au bout de cette journée qui n’a vu défiler que du gris. Les branches se dessinent dans le cadre, elles restent presque immobiles et flottent dans ce bleu profond telles des petites algues à la surface d’un étang. À cette heure, les longues branches se font mystiques, prennent des allures de petits fantômes espiègles qui lancent leurs longs doigts en avant pour aller s’accrocher plus haut. Assoiffées d’amour pour le soleil, elles deviennent attente des premières lueurs du matin. L’aube aux doigts roses viendra les cueillir après une nuit offerte à leurs bras avides aux phalanges crochues. Le bleu s’assombrit, se fait de plus en plus sombre, les minutes engloutissent les dernières lueurs du jour dans une encre épaisse et noire. L’œil rebondit à présent sur une vitre noire.
Volets fermés du soir, la chambre se reflète dans la vitre, la porte est entrouverte sur le petit vestibule. Le miroir lui fait face, la chambre est ainsi tournée vers elle même. L’appel au dedans et rien de plus. La chambre vue de la fenêtre parait plus petite. Il n’est plus temps de l’ouvrir pour aérer, les sucs de la journée tourneront cette nuit et retomberont sur les paupières fermées elles aussi. La fenêtre est close, la nuit ne se voit pas, pourtant c’est la nuit, la nuit est tout ce qui ne se voit pas, mais savoir que c’est la nuit. Le silence aussi.
Codicille : le cadre choisi est la fenêtre d’une chambre dans laquelle je passe du temps pendant mes vacances, que je ne connais ni d’avant et ne retrouverai pas après. J’ai tenté de la saisir à différents moments.
Après quelques jours de contemplation et de prise de notes « à la volée », cachée des autres, elle s’est offerte au moment de l’heure bleue à la suite d’un long jour de grisaille. L’exercice a agi sur moi comme une possibilité de me faire surprendre par ma propre attention développée au fil des jours. C’est comme un cadeau dans ce processus qui ouvre des portes sur le réel. Cette chambre partagée est devenue mienne quand je m’adonne à la contemplation de sa fenêtre, comme une épaisseur supplémentaire au réel, un peu de solitude aussi. « La seule vie qui soit passionnante est la vie imaginaire » du journal de l’écrivain de Virginia Woolf m’est revenue en mémoire.
Merci Marie en particulier pour la beauté de ton codicille. Je crois que je trouve passionnant tout ce qui se dit, s’écrit à côté de l’écriture en quelque sorte.
Merci Rebecca ! C’est mon premier codicille
Merci pour ce joli texte très imagé et très poétique. Bonne journée.
Merci !
beaucoup aimé l’arrivée du vent dans la deuxième entrée
Merci !
« L’heure bleue est à la fenêtre » c’est comme une obsession dans l’écriture de chercher la note bleue puis la vitre noire qui appelle la nuit du dernier paragraphe. Une lecture apaisante merci
Une écriture contemplative apaisante sur un fil de bleu jusqu’à « l’appel au-dedans » qui ramènera le sommeil. Merci Marie.