Piscine
Un bassin de pierre grise sans liner entre la villa et la forêt.
Sur une eau de mare remuent algues, nénuphars, herbes, aiguilles de sapin et la vie sous-marine des nappes stagnantes.
C’est là que Piotr a appris à nager ; c’est là qu’aurait pu se noyer Ophélie.
Je me retourne et dans une fenêtre du pensyonat Tadeusz j’aperçois le reflet du plongeoir qui tremble.
Chapelle
Au fond de mon jardin de l’Ulica Gontyna une chapelle de bois foncé
octogonale et basse
toit de tavaillons et clocheton de fenêtres à petits carreaux ternes.
Une chapelle au fond de mon jardin, pour moi, comme la cabane des contes pour l’enfant perdu.
Église
Le dimanche de Pâques devant une église de la vieille ville
la voix du prêtre et les chants grésillent dans des enceintes installées de chaque côté du porche
sur des tabourets de bar
pour les fidèles arrivés trop tard
murmurant leurs prières agenouillés dans la rue.
Théâtre
Les musiciens jouent au milieu de décors de carton, de bois ou de plâtre
voiture en deux dimensions, arbres éventrés à l’armature métallique apparente,
colonnes de tragédie, portes de vaudeville
et, dans un amas de planches, l’ombre de Kantor.
Ces reliques abandonneés là par des compagnies sans doute déjà dissoutes
se confondent avec les statues du théâtre dans une odeur de poussière et de bière.
Et nous, au fond sous les balcons aux ornementations de stuc pastel effrité,
assis sur une table renversée de salle des fêtes.
Tu poses ton front contre le mien
pour que je t’entende mieux.
Château
Des murs édentés au milieu d’un champ…
Avant c’était le château d’un roi qui avait rêvé d’un aquarium au plafond.
Cinéma
Tu prends la porte à gauche de l’entrée du bar
Tu longes le couloir jusqu’à ce que tu arrives dans une cour
Tu la traverses en diagonale et tu montes les escaliers
Au deusième étage tu empruntes la cursive
Au bout tu prends les escaliers de bois
En haut tu tournes à gauche et tu verras une porte
Derrière il y a un couloir, tu le longes
Puis sur tu trouveras au bout une table d’écolier avec la caisse.
La salle peut contenir une quarantaine de personnes,
Assises ou allongées sur des chaises, des fauteuils, des coussins.
Sur un écran froissé vacillent les premières images, piquées et un peu jaunes.
Derrière une chanson de Compay Segundo on entend le moteur du projecteur et le roulement de la bobine.
On est à l’autre bout du temps.
Cour
Derrière les porches, dans cet espace intermédiaire entre la rue et les appartements qui n’existe qu’en Europe centrale
se tisse une tiers-vie
mi-publique mi-privée.
Elle se chuchote derrière des rideaux brodés.
À côté d’une porte, une chaise, une table, un cendrier et un bouquet de fleurs.
Dans la cour, un camion d’enfant et un carton devant l’atelier d’un luthier.
Les odeurs de colle, de rose, de lessive et de soupe circulent dans les cursives.
Froid
Chaque soir nous passons devant un thermomètre digital installé sur le toit d’un grand magasin.
Depuis 44 jours, la température est négative.
Le froid est notre frontière.
Lampes
Les rues de Kazimierz sont éclairées par des lampes en cuivre
accrochés à des fils tendus entre deux façades.
La lumière est douce et donne aux pavés des reflets dorés.