¡ Mira ! ¡ Mira ! l’espagnolette qui tient fermée la fenêtre, la croisée (six carreaux) le mur qui en retrait l’encadre (blanc le mur, d’autant plus blanc que le sol est rouge de tomettes) ¡ Mira ! le mur qui prend naissance à l’angle droit des tomettes, plâtre lisse (il ne date pas de l’époque de l’enchâssement de la fenêtre) sur lequel une minuscule araignée lestement grimpe jusqu’au bois (ivoire, peinture acrylique récente, non encore écaillée) de la croisée, jusqu’à l’espagnolette peinte (couleur ivoire pour ne pas trancher) espagnolette que son support semble étrangler alors qu’il suffit d’une levée du bras et d’un coup sec du poignet pour la libérer et ouvrir la fenêtre ¡ Mira ! l’espagnolette dans sa forme allongée, en fer épais, forgée en cœur couché, côté pointe la tige et côté rebondi le bouton, solide, là où la main s’agrippe pour tirer (comme il est machinal ce mouvement d’ouvrir la fenêtre qui envoie la main saisir l’espagnolette en ignorant l’objet, le bel objet qui permet le geste de l’évasion quand on s’échappe par la fenêtre !) bouton renflé comme un téton (quel est l’utilité du mamelon ?) il entre dans la paume, cale dure dans son creux, froide (personne ne fut jamais brûlé au contact d’un bouton d’espagnolette !) et l’objet, le bel objet offre alors son profil ¡ Mira ! le demi-centimètre de la lame de fer sur laquelle est soudé le bouton ¡ Mira ! le bouton, phare étendu tout au bout de la digue, il éclaire, en dessous la mer, au-dessus le ciel (le pourquoi du téton) ¡ Ven ! à l’intérieur du bouton de l’espagnolette traverser la peinture ivoire pour aborder le fer, sombre mais luisant, finalement pas si dur, tel une eau noire qui serait pétrifiée, qu’il faudrait enjamber pour aller plus avant tandis que par-delà la berge de cette eau solide s’étend un brouillard (il se déchire comme les toiles d’araignées des châteaux qu’on dit hantés et laisse entrevoir l’escalier) ¡ Sube ! vers la lumière falote, pâle obscurité périlleuse ascension, d’un côté la vis (empilement colossal des angles aigus des marches) et de l’autre le mur de granite breton ¡ Sube ! jusqu’à la porte étroite, petite, qui filtre la lumière ¡ Abre ! là, la tourelle vitrée vivement éclairée surplombe terre et mer, là, une unique fenêtre ¡ Coge ! machinalement l’espagnolette pour ouvrir la fenêtre.
Je lis votre autoportrait: votre sincérité émeut.
J’apprécie le rythme qu’impulse à votre texte l’ouverture de cette espagnolette, et sa matérialité sensible.
mais si on ne la regarde pas en l’empoignant pour ouvrir ou entrebailler combien de temps passé à la contempler sans vraiment la voir pour lover ses rêveries dans sa forme
Très intéressant le rôle des injonctions sur le rythme et la vie du texte !
bel autoportrait et beau texte, mira ven sube abre coge tout un programme qui donne bien envie de lire d’autres de vos textes.