Je veux que quelqu’un garde la mémoire. Mémoire passée, mémoire présente. Individuelle et collective. Ni j’aimerais, ou je souhaiterais mais je veux. Il n’y a pas de place pour le non, le demi-tour, la volte-face. L’injonction est posée au deuxième personnage. Je veux que quelqu’un garde la mémoire, la prenne entre ses mains, la dépose dans un bocal, sur une étagère, la dépoussière, lui fait prendre l’air. Je veux que quelqu’un garde la mémoire, la sauve, la conserve, la préserve, la protège et la défend. Mais de quoi ? de qui ? Et comment ? L’écrire, l’enregistrer, en faire un livre ? Est-ce que tout sera dit, sans être transformé. LA mémoire vacille, se brouille, c’est une transmission et une peur que tout échappe, qu’il n’y ait plus assez de temps pour faire perdurer la vie. Je veux que quelqu’un garde la mémoire, c’est attacher l’autre à sa propre vie, en faire le témoin, le passeur. La retenir. Raconter les ombres, les empreintes et les cicatrices, poursuivre le temps, ne pas lui échapper, c’est un souffle, un vent contraire balayant l’oubli.
Il est plein de force ce « je veux ».