Les six prémices / Nouvelles, boucle 2#04

Pelle S (né le 24 janvier 1963 à Stockholm, Suède) est un écrivain non reconnu, membre du Comité pour la création d’un Prix Nobel de cryptérature. Enfant, il a connu les mercredis après midi, où les frères et sœurs étaient enfermés dans la grande bibliothèque de la grande maison du grand parc G. Ils ne pouvaient en sortir qu’après avoir fait récité par le trou de la serrure une page entière d’un livre découvert ce jour et qu’ils avaient au préalable fait passer par la fente aménagée dans la grande porte à cet effet par un aïeul dit Le facteur aux livres. Et puis un jour, alors qu’il trébuchait en descendant du trottoir, un faiseur de sonnets lui en a récité un.

Son plus beau souvenir d’adolescent : s’être laissé enfermer dans les catacombes avec Mathieu et Bertrand, toute une nuit. L’un avait apporté Les voyages de l’autre côté, l’autre Les lettres à un jeune poète. Pelle n’avait d’yeux que pour ce qui était écrit sur les parois des catacombes, ces traces qui avaient été initiées par quelqu’un, que quelqu’un d’autre avait parfois relayé des années ou même des siècles plus tard et que toute personne venant avec sa torche pouvait souligner ou euphémiser selon les jeux de la lumière sur la paroi.

La grande découverte de la vingtaine, au cours de son voyage au Sénégal où il avait suivi son ami Babudu, de retour pour de longues vacances dans sa famille. Badudu le lui avait bien dit : le meilleur moment de l’année est celui qui suit la saison des récoltes, les années où la récolte a été bonne. Le soir, on faisait de grands feux dehors, les petits se collaient contre les jambes des grands, regards écarquillés vers le feu, et les histoires montaient vers les étoiles…

Au cours des années qui suivent, à Paris, il est tenté par les bouquinistes mais il finit par dire non. Il découvre les vide-grenier de banlieue, la traque commence. Parfois dans les tiroirs des vieux meubles on trouve des papiers griffonnés…

Sa position professionnelle affermie, il peut voyager en Europe, il s’en donne à cœur joie ! Parcourir au hasard les rues des vieilles capitales l’enchante. Il note sur son carnet spécial -le bleu !- tous les mots, toutes les phrases qui auraient logiquement dû être effacés par les services municipaux ou par le temps.

Avant l’heure qui aurait pu être pour lui l’heure de gloire, il découvre l’existence du fichier international des thèses. Il se fait un devoir d’y découvrir de possibles pépites dans ces textes obscurs que seul un jury réduit à cinq ou sept personnes aura fait semblant de lire. Il passe alors des journées entières enfermé face à son ordinateur alors que dehors, des traces de peinture, de crayon ou même de charbon clignent de la volute sur la pierre ou sur la brique…

4 commentaires à propos de “Les six prémices / Nouvelles, boucle 2#04”

  1. Mais oui ! et encore plus de candidatures potentielles qui s’ignorent… c’est tout l’intérêt pour moi de l’imaginer…

  2. je retiens l’image forte des catacombes dans ce parcours résumé de Pelle S.
    et je me dis que j’aurais bien aimé rester un peu plus au Sénégal avec la présence des feux et les « histoires qui montent vers les étoiles »…

  3. oui Françoise, et aussi les jeux de lumière sur la paroi de la grotte