L’odeur du skai se mêlait à celle de la cendre des cendriers argentés ouverts, de la cendre froide. Au froid des vitres, des courants d’air et des rebords métalliques des strapontins, répondait la tiédeur du revêtement de formica des parois beiges. L’insomnie fiévreuse des nuits du départ combattait le répétitif rouleau sur les rails. Les vitres étaient ouvertes pour que l’air chasse les souffles endormis. Assis sagement sur les sièges qui se rabattaient presque sous leurs poids trop légers, des enfants collaient leurs visages aux fenêtres pour entrevoir les reflets intérieurs des compartiments couchettes et les lumières blanches des plafonniers, et le paysage nuit du dehors. Des silhouettes d’arbres, de pylônes, des phares de voitures, rien d’envieux. Sauf que tout défilait, et que le bruit finissait par emplir ce couloir vidé des voyageurs qui s’étaient tus, et qui, en posant la tête sur la couchette qui vibrait, somnolaient. Et quand, sans plus pouvoir résister, les bambins s’endormaient sur les strapontins, ils étaient réveillés en sursaut par des secousses étourdissantes.
A 22h, le wagon était plein de vie, comme si les bavardages, les dîners tirés des glacières en plastique et les rencontres éphémères allaient durer toute la nuit. La voiture couchette était froide. Il fallait éteindre la lumière, impossible de lire. Vers minuit, c’était déjà demain, les couchettes étaient rabattues, les voyageurs enveloppés dans leurs gilets, alors qu’à l’arrivée à 9h, il ferait déjà canicule à Rome, impensable. Et quand le contrôleur ouvrait brusquement cette porte vitrée, à laquelle on avait tiré le rideau plissé, marrons et épais, appuyait sur le bouton de la lumière pour demander les billets et comptait les voyageurs, demandait les âges et zyeutait sur les valises, c’était justement le moment où on venait de s’endormir.
Personne ne dormait en pyjama comme dans les images publicitaires. En pyjama ! Alors que l’aventure, c’était d’ouvrir la porte sans bruit pour aller espionner le couloir, en attendant le jour.