les gens qui vivent, qui en ont le droit, elle ne les voit pas trop, elle ne peut pas les voir, elle est dans sa chambre souvent, parfois elle les entend et ils se confondent avec les gens sur le papier, dans les pages des livres qu’elle ne quitte jamais, qu’elle quitte parfois pour aller à la fenêtre, elle a un petit carnet et des jumelles qu’elle a reçues dans un journal Mickey, elle les utilise pour voir les gens d’en face, de l’immeuble d’en face, y a la petite fille, plus jeune qu’elle mais qui a la chance d’avoir une sœur, elle les imagine rire toutes les deux jouer toutes les deux se faire des câlins et regarder des films ensemble, sur son carnet elle a écrit « 11H05 : le monsieur vieux d’en-face vient de rentrer chez lui », elle imagine le monsieur vieux d’en face retrouver la solitude de son canapé et de sa télé, alors elle s’imagine un peu comme lui, mais elle n’est pas seule. Ils sont plusieurs à la maison, mais elle reste seule, confinée. Elle aime pas l’impair, ils sont 5 chez elle, quand on est impair, y a des paires et puis un impair. Un sans pair, qui reste seul. Parfois elle appelle une amie, mais elle ne peut pas rester longtemps au téléphone son amie, dans sa famille, ils jouent aux jeux de société, tous ensemble. Alors elle raccroche, elle l’imagine partager un goûter et des jeux en famille. Elle, elle va s’asseoir seule, devant le plateau du Monopoly et elle invente des règles pour jouer solo. Elle lance les dés, et les chiffres décident de l’avancée du jeu. Elle met deux pions sur le plateau, c’est plus simple deux pions pour imaginer. Elle passe du temps à imaginer la vie des gens, ceux qu’ils font quand elle n’est pas là. Et elle est souvent pas là. Ce qu’on peut faire quand on a le droit de sortir, de parler à qui à on veut, d’aller où on veut. Ceux qu’elle envie le plus, et dans ces moments-là elle s’imagine comme Quasimodo dans sa tour (elle a vu tout Disney)- ceux qu’elle envie le plus ce n’est pas ceux qu’elle voit, mais ceux qu’elle entend. Des voix qui s’esclaffent, des rires, qu’elle entend de loin, tous les enfants ensemble, parmi eux ses frères, et elle, elle les entend, ses oreilles bourdonnent, sa gorge bourdonne, elle se tord les mains, et les plisse les yeux, elle se dit qu’elle n’est pas comme eux, enfin c’est ce qu’on lui dit, alors elle pense à la petite sirène, elle est dans l’eau elle voudrait courir sur terre, elle se dit qu’elle c’est l’inverse, elle est sur terre, et elle veut s’enfoncer dans l’eau. Pas pour mourir, non, elle voudrait juste y vivre, elle imagine qu’en mer, on ne peut pas nous enfermer.
Merci pour ce personnage qu’on suit avec tendresse… belle fluidité du texte.
Merci Lamya.
Merci pour ce retour !