Mes chambres d'enfance ont été nombreuses, on a beaucoup voyagé, on a dû beaucoup voyager. Les chambres de mon enfance étaient souvent peuplées, des matelas à même le sol, parfois des couvertures comme mille feuilles pour tromper le corps, amortir la dureté du carrelage, en rang d'oignons, beaucoup de femmes autour de moi, parfois des garçons très jeunes, et beaucoup de femmes, des tantes, ma grand-mère, ma mère toujours, des cousines, on dormait toutes ensembles, l'étroitesse n'habite que les cœurs, diq fi lqloub, c'est comme ça qu'on le dit là-bas, la chaleur des étés ne nous faisait pas peur, au contraire les rires qui fusaient, les mots échangés jusqu'à pas d'heure, étaient autant d'éclats de fraicheur, un ventilateur tournait parfois hésitant comme rouillé, on sortait tous les draps de la maison pou l'occasion, toutes les housses, tous les coussins, des draps achetés pour le mariage de la grand-mère il y a cinquante années ou plus, d'autres hérités de telle grand-tante, la nuit était bariolée de ces tissus assemblés, patchwork ou rhapsodie, une constellation au sol, profusion de fleurs, de pétales, de représentations d'éléphants ou encore de tigres, une jungle où j'aimais m'enfoncer, rêvant à moitié, dormant à moitié, toujours bercée par les murmures de ces lionnes attroupées. Puis il y a eu le HLM et la chambre partagée avec mes frères, la lumière de la lampe projetait mon ombre sur le mur, mes cheveux dérangés par l'oreiller et le sommeil se tenaient debout, des épis sur mon crâne, des rayons sur ma tête, ils m'appelaient leur soleil. Un jour, ma chambre n'était plus que la mienne, une chambre à moi, un vide à soi, des livres pour remplacer les voix des femmes de mon enfance et la douceur de ceux qui protégeaient mon sommeil.
j’ai aimé ces chambres où l’on a dormi nombreuses, serrées, les enfants au près, puis seule
merci !
Quel rythme et quelle simplicité franche, c’est beau !
Merci beaucoup !
On aimerait se trouver avec vous dans cette chambre d’enfance, comme s’il y avait un feu autour duquel se rassembler… « les voix des femmes de mon enfance et la douceur de ceux qui protégeaient mon sommeil. »
Merci, et merci pour l’idée du feu, je n’y avais pas pensé, je pourrais l’utiliser en réécrivant le texte !
Beau, doux, sincère ! j’aime beaucoup votre texte.
Merci beaucoup …
J’aime beaucoup ce texte. On y sent toute la chaleur, l’étreinte de l’entourage, l’endormissement bercé par les voix qui veillent tout autour, les couleurs, les odeurs mêlées.