Lire, c’était renoncer à dormir, s’installer contre l’ordre établi et entrer dans la clandestinité. Ce n’était pourtant que la Comtesse de Ségur, Gripari, les contes de la rue Mouffetard. Puis Bazin, Mauriac et Christiane F.
Lire, c’était enchaîner tous les titres en rayon à la bibliothèque municipale. Tentative d’exhaustivité inatteignable, mais quel plaisir. De Blazac à Zola, des écrivains à la plume insasiable, je les provoque de mes yeux inépuisables. Maupassant pour mes premiers frissons dans Le Horla. Racine pour la musique d’une langue claire et élégante. Zweig pour la finesse de l’analyse psychologique.
Allen Ginsberg, Jim Morrison, Bertand Cantat ouvrent l’horizon vers un autre âge. S’échapper d’une réalité trop étroite.
Et puis, c’est le choc de la Nausée, la fureur du psychologue attitré, comment les profs peuvent conseiller Sartre en pleine adolescence ! C’est la stupeur de découvrir des émotions jamais nommées écrites noir sur blanc dans un livre. C’est donc à ca que servent les livres. Il me fait peur, pourtant, l’édition Folio maintenant toute jaunie, me suit dans tous mes déménagements.
Le bruit et la fureur, je creuse les profondeurs de l’âme, je dévore Kafka, Dostoievski, Céline, Despentes, Carrère ou Jonquet. Fidèle aux rayons de mon enfance, je lis tous les titres d’un auteur que j’aime jusqu’à l’écoeurement, la lassitude. Brel m’accompagne à toute heure du jour et de la nuit.
Lire devient un renoncement au réel, je lis, j’avale, j’absorbe, un livre par jour, parfois plus.. tout et n’importe quoi. Je suis boulimique, je lis dans le bus, en marchant dans la rue, allongée sur mon lit, du polar, des lectures de plages, des nouveautés, peu importe. Ma chambre est pleine de livres, mon lit en est recouvert. Je travaille dans une librairie, j’ai toujours un ou deux livres dans mon sac et chez moi, commencent à se former de piles. Ce sont des bouées, des guides, leur présence m’est indispensable.
En grandissant, je découvre Annie Ernaux, j’aime son attention aux détails, le poids de l’héritage social me parle tout doucement à l’oreille. Elle met des mots sur mes non-dits. Jean-Phillippe Toussaint, Jean Echenoz, mettent en lumière une langue belle, d’une simplicité apparente, où tout coule comme une rivière d’eau douce.
Mes derniers émois sont pour la folle construction narrative des Confessions de Jaume Cabré et la richesse des images et des mots de Joyce Carol Oates.
Me revois tellement dans votre texte, choix et aussi évocations. Merci pour cette lecture où je retrouve Jaume Cabré !
Gracias a ti!