À Berlin, dans le quartier de Kreuzberg, tout près du Görlitzer Park où les familles turques passent leurs dimanches à piqueniquer et les dealers à vendre leur came 24/24, au 8 Oppelner Strasse se trouve la papeterie Papier und Spiele. Papier et Jeux. C’est là que, pour pas cher, j’ai acheté chaque été entre 2005 et 2015, ma ration de cahiers Brunner. Brunner c’est l’équivalent allemand de notre Clairefontaine : la marque par défaut des écoliers. Les cahiers Brunner pour le collégiens et lycéens sont à spirale, format A4, lignés. J’ai besoin de lignes pour écrire. Seyès me rappelle les devoirs, les petits carreaux sont trop petits pour mon écriture manuscrite et sur les pages sans repères j’écris de travers. Il me faut donc des lignes et l’écartement allemand correspond parfaitement à la taille de mes lettres, à la longueur de mes phrases. Ce qui est bien avec les cahiers Brunner c’est qu’on peut, en cas de besoin, détacher proprement les pages. Et puis elles ont une belle marge pour les annotations – une marge suffisamment large pour faire son autocritique sans être lapidaire. Une autre qualité des cahiers Brunner c’est que leur papier est assez épais pour que l’encre du stylo à plume ne se voie pas en transparence. Depuis toujours j’utilise l’encre Rohrer & Klingner. Elle est fabriquée à Leipzig depuis 150 ans et ne coûte rien (le plus dur c’est de la trouver. Dans le temps, une papeterie rue Rambuteau la stockait mais depuis dix ans je dois la commander en ligne car aucun magasin parisien ne la vend). Une bouteille me dure deux ou trois ans. J’alterne entre deux couleurs : le classique Königsblau et le joli Cassia, un bleu qui tire sur le violet. Le stylo à pompe est un Reform Calligraph pointe F – l’équivalent allemand de nos Waterman et Reynolds. Reform a disparu à la fin des années 90. Au lycée j’en avais un à pointe FF, toute fine, mais impossible aujourd’hui de le retrouver. Brunner, Rohrer & Klingner, Reform – voilà les trois outils du quotidien.
Les cahiers Brunner… j’aime beaucoup la précision quasi obsessionnelle du texte ( et comme un accent bernhardien mais côté irritation positive )
Passionnant, merci.
j’aime le commentaire de Nathalie (le texte aussi qu’il rend bien)