C’est le carnet que je n’ai jamais eu. Sa couverture en cuir a résisté au temps ; elle accroche aux doigts comme un avertissement. De la première à la dernière, ses pages sont noircies d’une écriture limpide, lisible quelle que soit la lumière. Je pioche une phrase ici et là, au hasard, et chaque fois c’est un début de roman. Chaque fois c’est un fragment de vie, un bout de mémoire, un morceau d’âme. Rien n’est immuable. Je lis et relis la même phrase et elle signifie toujours autre chose de plus ambiguë. Je ne bois plus mon café et le garçon vient me trouver. J’ai le réflexe étrange de recouvrir le carnet avec mon bras pour lui répondre. Je préfère le café froid. Le carnet est numéroté et daté comme s’il en existait des dizaines avant lui. Des dizaines de trésors peut-être perdus à jamais. Je le fourre dans mon sac que je glisse entre mes jambes. Je le lirai seul. J’ai un peu honte de le garder pour moi alors je fais une liste de personnes à appeler. Je m’égare dans mes choix. Je ne sais plus quoi faire. Je recommande un café et sur mon téléphone je demande à dieu Google ce qu’il faut faire. Qu’est-ce qu’il faut faire de la mémoire des Hommes ?
sans aucun doute (à mon avis)
la lire, la garder, lui rendre hommage quelle qu’elle soit
et lui offrir les rêves de romans