tous les ans c’est noël, à un moment (cette année ce sera sans doute poule au blanc – mais on n’arrête pas le menu tout de suite non plus) on se réunit famille recomposée comme on dit élégamment (la précédente est décomposée si tu veux voir) (le monde est un joli casino – appuyer sur le zi) et pour cadeau il m’arrive d’offrir des carnets – un de couleur à chacun.e des présent.es ou pas – une habitude (mais ça ne sert à rien) – pour ma part j’en possède toujours un dans une poche intérieure, vide, beige feuille crème unie celui que je m’offris au noël dernier je suppose – je ne fais pas attention (ça ne sert à rien) – je n’écris plus à la main – ou si peu (des mots d’amour, évidemment) – mais c’est de celui d’ici dont on parle, assez imposant – j’y prends des notes; j’ai ouvert un « fichier » où j’écris quelquefois, je prends des incises, comme il faut enregistrer (comme on dit) je l’intitule « à venir » et j’écoute Dean Tavouralis parler de ces oiseaux qui s’envolent au ciel juste avant la tuerie (dernière séquence du Bonnie (Parker) and Clyde (Barrow) d’Arthur Penn (1967 – quatorze piges)), j’écris deux mots, je vais voir, je prends cette image
et je m’en vais
je me souviens de cette femme qui me parlait à l’arrêt de bus, hier – je ne dois pas faire peur, tu sais
je prends en note intérieure cette histoire que racontait la nouvelle prix Goncourt (si je puis me permettre) au sujet d’un de ses précédents livres (je ne l’ai pas lu) (c’est qu’en faisant la cuisine j’écoute radio paris) (je change écœuré souvent – surtout aux « informations » comme ils disent, je ne sais pas faire la différence entre ces mots-là et la propagande) : celles du jour concerne un brave garçon – alors évidemment je recherche un peu, et je trouve (dans mon carnet, donc – un de mes, soyons justes) (ou tout au moins tentons) le champ
ce que j’aime toujours particulièrement dans ces images ce sont les petits signes (la bande son : Stacey Kent , Ces petits rien) – cet homme sur son balcon, au premier étage, qui tient le mur qui va tomber sinon – ce couple qui vient de passer devant cette plaque-là, (elle est dédiée à Magnus Hirschfeld, sans aucun doute) les fleurs mauves, ces petits signes (vous vous n’avez rien dans le cœur et j’avoue /je vous envie, je vous en veux beaucoup dit la chanson) et le contrechamp
on le voit à peine, sur la droite, l’avion qui va aller se poser à l’aéroport Nice Côte-d’Azur je n’ai jamais besoin (ni fini) de chercher, c’est que j’écoute, je me souviens (ce sont des souvenirs inventés, comme tous les souvenirs, comme toutes les inventions) je devais sucer mes doigts (index et annulaire de la main gauche, ça m’a tenu longtemps) , sans doute avais-je quelque chose comme de la peur, mes premiers pas sur ce continent (sept piges) – revenant dans cette espèce de hall, vingt ans plus tard peut-être (non,moins, j’allais enquêter le Vintimille-Limone-Turin) (on nous déplaçait en avion cette fois-là) je m’étonnais de la petitesse du lieu , quelques années ensuite (quatre-vingt six ou sept) pour Cannes et B. et ses accréditations – et puis Romain Gary et puis de l’autre côté de la mer
il faudrait mentionner les liens qu’on fait toujours et partout, qui forment aussi bien des épreuves pour ces carnets, des notes (celles de musique : Don’t think twice où Boby raconte I’m on the dark side of the road)
Merci Piero pour ces champs, chants et contre-champs. Et pour la plaque aussi entre le 63 et Centre universitaire méditerranéen où Paul Valéry avait son bureau. La plaque rappelle qu’il y avait là une villa où a vécu Marie Bashkirtseff morte à 25 ans.
je devrais demander à Huguette d’aller vérifier (celle qu’on voit est sur fond blanc – j’ai regardé je ne sais où) mais merci de l’information -et de la lecture – et des chants…
ces petits riens, c’est déjà beaucoup n’est ce pas ? j’adore, et ressurgit l’image de notre cadette gauchère qui avait cette même passion pour l’index et l’annulaire 😉
beaucoup – beaucoup – merci Caroline
Carnets qui, une fois ouverts, élargissent le monde. Formidable texte !
merci à toi Helena
on va mentionner les liens Piero, pour les tisser à coups de notes éparses
on va faire ça,oui d’accord – bonne suite à toi
Mentionner les liens – tissent entre eux des souvenirs d’autres ou les siens, réinventés, qui finissent toujours par prendre plus de place à mesure qu’on avance en âge (tout le contraire de la taille des lieux qui nous semblent toujours eux, moins vastes). Une histoire de vision (déformante ?)
probablement (mais je suis un peu borgne si tu veux) – merci du commentaire
comme on s’étonne et comme on se souvient aussi – pourtant pas vécu ça, mais soudain, le diffracté du son/rythme particulier du carnet, cette nouvelle tonalité de l’intime, transperce tout : fusion primaire avec celui qui vous lit/ressent/voit comme deux couleurs superposées donnent une teinte nouvelle
c’est une vraie présence franchement
je suis très honoré par vos commentaires qui me touchent profondément – merci à vous Françoise
carnets de noël, carnet journal, carnet de mémoire pour souvenirs inventés ( qu’ils sont beaux sur la photo le déco et l’actrice)
(il paraît que les moments de pluie étaient l’enfer sur terre -surtout le dimanche dit le déco – mais j’aime la capuche d’Aurore, j’aime un peu moins la position des pieds du Dean…) merci à toi
que l’on aime tout ce qui sort du carnet qui s’est appelé à venir en écoutant « Dean Tavouralis parler de ces oiseaux qui s’envolent » vers tant et tant
merci à vous Brigitte
j’aime ton habitude d’offrir des carnets à chacun pour Noël (tiens, si un jour on se rencontre, j’aimerais beaucoup que tu m’offres un carnet…)
et puis ce « ça ne sert à rien » et c’est vrai, pour moi en tout cas, les carnets ne m’ont jamais servi à rien mais je les aime, je les regarde, je les range, je les trouve si beaux
j’avais d’ailleurs pensé que tu garderais et développerais ce rythme avec « ça ne sert à rien » jusqu’au bout, mais toujours ton imagination et ta folle mémoire cavalant t’entraînent ailleurs irrémédiablement…
amitié, Piero