« On ne saurait refaire ce qui fut, et, pourtant, on peut y changer quelque chose, empêcher le passé de projeter son ombre au delà de son aire, de recouvrir nos jours nos pensées. Mon père s’est trompé d’endroit, de vie, en l’absence des mots que son père avait à lui transmettre et qu’il a fallu chercher pour notre propre compte. »
Pierre bergounioux, françois
LA DEDICACE COMME PREUVE D’EXISTENCE
Celui qui parle de voyage, grand ou petit, s’exprime dans le sillage d’une volonté de persistance dans la présence de lui-même à lui-même. Tout paysage est un paysage où il se voit vivant et pris en compte d’une façon ou d’une autre. Il est pris par l’ivresse de l’espace qu’il qualifie au fur et à mesure avec sa propre marque de fabrique. A la manière des Tags sur les murs des villes tentaculaires, il jalonne son parcours, le perfectionne en des traces qu’il compile et comptabilise méticuleusement,obstinément. Il ne s’absente jamais de ses écrits et l’anonymat qu’il prétend viser est en fait une esquive pour ne pas avoir à rendre de compte à d’autres que lui. Le collectif le « déroute » au sens concret du terme.. Il marche seul dans sa tête et cherche parfois à en sortir. Mais il a trop de mémoire et d’envies pour se résigner à rester trop longtemps sur place avec ses petites besaces gorgées de mots, pour préparer le pique-nique légendaire et nostalgique d’un LIVRE immatériel qui les (éclipserait) résumerait,tous ! Les supplanterait peut-être. On ne repèle jamais la même pomme et son goût change subtilement jusqu’à l’apparition du trognon.. C’est pourquoi, replanter sans cesse de nouveaux pommiers peut remplir une vie. Cela suppose toutefois un minimum de sédentarité et de patience. Tu te demandes ce que deviennent ceux et celles qui ne plantent ni pommiers, ni bouquins dans les « espèces d’espaces » que leur destin leur a fourgué…et à quoi servent les dédicaces qu’on conserve malgré soi… Qu’est-ce que l’amitié entre écrivain.e.s ? Aide-t-elle à écrire ?
« il restait du bleu, lorsque nous arrivions, comme si la substance du ciel avait été brassée avec le sable fin des rives, les feuilles des arbres, les galets ». P. BERGOUNIOUX
Et puisque tu ne comprends pas tellement l’image,tu vas copier-coller un souvenir où tu n’étais pas.En ce temps-là personne ne prenait une voiture pour aller pique-niquer. Les paniers étaient lourds de victuailles et de vaisselle ordinaire. Les personnages étaient un peu ahuris au moment de la photo. Elle est trop intime pour être partagée à un endroit où la banalité des images est de mise. C’était juste avant la guerre. Se parlaient-ils ? Etaient-ils en froid ou prêts à des concessions pour alléger l’ambiance ? La photo ne retient que l’idée qu’ils faisaient « ensemble » qu’ils étaient « ensemble » ce jour-là et qu’il faisait beau. La photo oubliée n’a été découverte qu’après leur mort. Le sépia ne montre pas le bleu du ciel, ni le vert du talus. Sans chaises, ni table , on s’assoit sur quelque chose en pente et on tourne le buste sur le côté, on surplombe aussi en tendant le bras pour s’emparer du pain. Qui fait quoi à cette époque ? Que deviennent les femmes sous le poids du quotidien ? A quoi pensent les hommes ?
Pour Gracia Bejjani et quelques autres…
Cette cisaille
permanente
du souvenir fané
et sans paroles.
L’image pantelante.
Les yeux évanouis.
Les corps transfigurés.
Le retour lancinant
du passé au présent.
Des destins
sans partage.
Malédictions secrètes
et dérives banales.
Vivre est une
cascade
où nous dégringolons,
cailloux gluants.
Mourir
est un naufrage
sur les stèles contondantes
des êtres aimés.
Pique-niques ultérieurs
sur des tombes incertaines
dont l’existence
est mal, si mal gravée […]
Marie-Thérèse, merci immense, c’est tellement beau ces entremêlements de temps, de lieux, de vécus. Mots et images ! Merci!!!
Merci Gracia ! Il me semble que je creuse des puits de sens aux mêmes endroits que toi , ailleurs dans l’histoire et lea géographie… J’aimerais parvenir à faire ces montages vidéos comme toi en sélectionnant les mots et les images, dans une sobriété éclairée…
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