version. 1
Il est vieux. Ses habits le disent, son béret et son long manteau en chevrons, et puis sa voix qui tremblote, il court comme un lapin et dévale nos trois étages en une respiration, le voilà debout au milieu du salon sous les feux de la colère de son ami, il sourit, il sourit bon enfant, il est bien le seul à ne prendre ni à cœur ni au sérieux les explosions de mon père, il sourit et peu à peu, son béret à la main, (personne ne l’a invité à s’assoir il n’est pas vexé, il nous connait et nous aime bien) il rit un petit peu aux hyperboles et à l’exaspération du paternel, il attend tranquillement que ça se calme et ça finit par se calmer. Il nous donne des cours de maths, on s’impatiente, on n’aime pas les maths, ces rébus agaçants, il ne lâche pas, il ne donne jamais les réponses mais pose des questions, et de question en question, on finit par lâcher la solution. Ça nous étonne à chaque fois, ses mains et sa voix tremblent, il est lent de tout son âge, on s’agite, on a envie d’être ailleurs, on ne sait pas ce qu’on manque.
Version 2 Réécriture avec activité mentale entre parenthèses (pas certaine que c’était ce qu’il fallait faire…)
Il est vieux (ou le vieil homme ? recopier ou réécrire ???) portant béret et long manteau à chevrons (sa silhouette me rappelle celle de la statue de Léon Blum place Voltaire, un corps qui a pris la forme de son manteau…), sa voix chevrote cependant il court comme un lapin grimpe et dévale nos trois étages d’un trait (déjà je ne recopie plus, toujours été incapable de recopier…) et le voilà debout, souriant, au milieu de notre salon, personne ne songe à lui dire de s’assoir (est-ce que je mets le paternel dans la boucle ? Il a toujours l’air tellement odieux mon pauvre vieux père…j’hésite à le massacrer encore / je corrige toujours – c’était un gueulard un tyran mais un brave homme- comme pour m’excuser/il faut bien sauver quelque chose de la famille/ il faut que je monte le four pour le poulet), il ne se vexe pas, je ne l’ai jamais vu se vexer (jamais connu un bonhomme aussi adorable), il sourit, rit même un petit peu aux éructations du père, rouge de colère, s’agitant dans le fond de la pièce (je les vois exactement lui fulminant dans son coin bureau et son ami au centre du salon en pleine lumière) fulminant pas contre lui, quoique un peu quand même, lui dans le même sac que les autres finalement, cette bande de cons, (à propos de quoi j’en sais rien, ils étaient dans la même association d’ d’anciens combattants, André de la guerre de 14, le père la deuxième, et moi vendant les bleuets de France le 11 novembre et le 8 mai, j’étais la meilleure vendeuse de bleuets de France, parce que petite sans doute et culottée à mes rares heures, j’adorais ça vendre les bleuets de France, quand on vidait nos comment s’appelait déjà ces tirelires qu’on faisait sonner pour attirer les dons, des troncs et le décompte au local des anciens combattants et le père fier de mes ventes…)mais là, il fulmine, jure, à la limite de l’insulte face à ce bon vieillard qui laisse échapper un petit rire chevrotant, pas du tout blessé, accoutumé à ces explosions, attendant tranquillement debout au milieu du salon que ça passe avec son bon sourire et son béret qu’il tient maintenant à la main, et son écharpe bien noué dans le col qu’il dénoue un peu parce qu’il fait chaud chez nous, on chauffait trop dans ce temps et finalement la mère quand même : asseyez-vous André (André, comme André Bolkonsky le prince qui me faisat rêver depuis le film de Bondartchouk en trois longs épisodes vu au Kinopanorama, et même j’avais lu guerre et paix dans la foulée par amour, non des lettres mais du prince André, donc le plus beau prénom si je continue sur cette lancée de collecte des productions mentales, mon portrait va être complètement éclaté je l’ai d’ailleurs déjà perdu de vue), André donc au milieu du salon, (suis pas sûre qu’il s’assoit, le voit debout ou galopant, le voit souriant, le voit jamais assis jusqu’ au jour où je le verrai dans son lit, jaune de son cancer déjà un pied dans sa tombe et le même sourire en plus fatigué et cette précipitation à me perler du sens de la vie… André, ce prince , le seul être à se soucier de ma peau Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? A l’époque c’était comédienne et pas sûre d’avoir osé lui dire, quoiqu’il arrive Catherine fait tout pour réaliser ton désir, tout tu entends ? passé ma vie à trahir ce bon André donc debout au milieu du salon, pas encore malade et ) supportant avec son sourire bonhomme les foudres paternels, militant indomptable, chiant tyrannique comme il est toujours et qui a toujours raison bien sûr mais André s’en fout d’avoir raison, il est là par pure amitié, par pure conviction, (où j’en étais du texte ?). Reprenons. Il sourit, il sourit bon enfant, il n’est pas impressionné, je soupçonne aujourd’hui qu’il doit plaindre un peu mon père, si anxieux, si nerveux, colérique, susceptible, incontrôlable, malheureux finalement. il rit un petit peu aux hyperboles inspirées par la rage, ces exagérations dans lesquelles il a fallu grandir, si grandir est bien le mot car face à André qui sourit, je rétrécie. Il attend, il attend tranquillement, que ça se calme, que le père se calme, sa bienveillance agit dans les interstices, entre les hurlements, à la fin le miracle arrive, le père encore rouge de sa grosse colère ne peut réprimer un sourire, petit d’abords, puis sa voix s’apaise, il offre un verre, peut-être que là André s’assoit, ils se mettent à converser tranquillement. Je reprends ma croissance. André est mon contre-exemple, la preuve que le monde n’est pas toujours hostile, je n’ai pas été à la hauteur, je ne voyais pas bien clair, il me donnait des cours de maths, il avait été prof de maths, mourant c’est ce qu’il m’a raconté : il avait toujours rêvé d’être professeur de maths, il l’a été, je ne sais au bout de quel combat, il l’a été à Janson de Sailly où mon père a été élève peu après son départ, ils en rient souvent d’avoir manqué de peu de se rencontrer alors, l’un élève de l’autre, le père regrette, un prof comme ça aurait pu changer sa vie, c’est ce qu’il dit avec des tremolos dans la voix, je ne crois pas que ça aurait changé la vie d’André. Donc c’est à moi qu’il donnait des cours de maths, ça ne changeait pas ma vie, je m’impatientait, il prenait trop son temps, (retour au texte d’origine) il était lent de tout son âge mais aussi par pédagogie, il désirait me faire comprendre par moi-même, c’était l’année de la sixième (decidemment toujours la même) il a emprunté mon livre pour se mettre à la théorie des ensembles, une nouveauté pour lui, il me posait des questions, pendant une heure il me posait des questions, sa voix tremblait, ses mains tremblaient, son écriture tremblait, j’avais envie que ça cesse. De question en question, je finissais malgré tout par trouver la solution, par quel miracle ? il puisait dans une intelligence dont je n’avais pas conscience. Il faudrait que je parle du grand chagrin d’André, André Blocher un jour m’a raconté sa peine, ce fils qu’il a perdu dans un accident de voiture, la fiancée de son fils qui venait le voir et comme ils pleuraient. Il ne faut pas croire je l’ai très peu connu, c’était un adulte, un vieillard qui venait voir mon père mais il s’est toujours adressé à moi comme à une personne, ça me déboussolait …
Version 3
Il est vieux. Sa moustache blanche, son long manteau en chevrons et son béret le disent, il est vieux et sa voix chevrote comme ses mains tremblent. Il est vieux mais il grimpe nos trois étages en un souffle. Le voilà, les mains jointes sur son béret, debout au milieu de notre salon, il est vieux et personne ne l’invite à s’assoir. Il est vieux et il endure avec un sourire bonhomme les éructations et les jurons de mon père. Il sourit, il ne se vexe pas, il sourit et rit même un petit peu de ce bon rire qui a l’air de dire oh là tu exagères tu ne crois pas, tandis que mon explosif paternel s’agite dans son recoin bureau où il ne parvient pas à foutre la main sur cette foutue lettre de ce con de président (de leur association d’anciens combattants), cette saloperie de lettre qui l’a tellement mis en colère. Cette scène s’est tant de fois renouvelée. Je le vois encore, planté au milieu de notre salon, vieux et droit comme un I, souriant à son agresseur, avec son beret entre ses mains, il défait son écharpe croisée serré sur son cou, il fait si chaud chez nous. Il voit si bien au travers des êtres, connait l’amitié du gueulard, attend tranquillement que la colère lui passe, et elle passe, toujours. Mon père n’éructe plus, son ton devient plus badin, il a un petit sourire en coin, il cède peu à peu devant la bienveillance, sans doute il se juge lui-même un peu ridicule, c’est un peu vexant, mais il se soumet. Il est vieux, c’est un vieux professeur de mathématiques à la retraite et de temps en temps il me donne des cours de maths, les maths me demandent un niveau de concentration dont je suis incapable. Il ne lache pas. Il me pose une question, la repose autrement autant de fois que nécéssaire et de question en question me mène à la solution comme s’il dénichait en moi une intelligence que j’ignorais, mais il est vieux, sa voix chevrote et au bout de sa main, le stylo tremblote, son écriture aussi tremblote, je m’agite sur ma chaise, dans l’attente d’être libérée de lui. Il est vieux et il pleut. Il apprend que je ne sais pas ce que sont des mirabelles, comme il n’a pas de bottes à ma taille, il me fait mettre pieds nus et tout vieux qu’il est, et même si sa femme lui promet la mort, même si mon père est plié de rire, il se met pieds nus aussi et m’emmène dans son jardin en me prenant par la main (sa vieille grande main rugueuse et sèche). A l’abri de son parapluie, nous ramassons alors, les pieds chatouillés par l’herbe mouillée, des mirabelles couleur d’ambre tavelées de rose.
Bon la version 2 est un grand bazar illisible mais m'a permis de partir à la pêche aux souvenirs, quitte à faire un gros tri. par contre, copier n'est pas simple pour moi, je me relis à peine, je pars bille en tête, j'oublie très vite de regarder le texte d'origine...