C’est un animal peureux et sensible, il a deux cornes, une bosse en cuir sur le dos et deux grandes pattes circulaires, cerclées de fer. Il m’arrive de croiser ces pauvres bêtes, grinçant de tout part, quand je me retourne, alerté par cette douleur à pédale, je constate souvent que ce pauvre être porte sur son dos un spécimen de notre espèce bien trop imposant, mais condamné par sa nature, l’animal résiste, inversement, je suis ébahi par ces amazones élégantes qui voltigent sur les pistes cyclables, valsant d’un dos-d’âne à un rond-point, quelquefois, à vitesse lente, elles dansent un slow, le regard romantique sur leurs montures silencieuses qui caressent l’asphalte, je les regarde avec admiration et sur leur chemin il arrive qu’elles croisent un travailleur, celui-ci le regard droit, fier et vide, souvent harnaché d’une casaque jaune vif et protégé d’un casque, file au labeur, d’autre fois elles croisent un jeune cavalier, fonçant d’un galop débridé, vers une soirée arrosée ou une rencontre amoureuse. Mon vélo me regarde souvent l’œil bienveillant, je le caresse toujours avant de monter dessus, espérant ainsi me faire pardonner les quelques kilos supplémentaires que je lui inflige. Je le soigne avec un peu d’huile et de graisse, il me remercie dans son silence. N’abandonner jamais votre ami à deux roues, vous briseriez son cœur à engrenages, et la peine venant, ses rayons se voileraient, sa selle se creuserait, son guidon s’affaisserait, ses pédales glisseraient, sa peinture s’écaillerait et sa chaîne rouillerait. Les vélos ont des destins très diffèrent, certains meurent, le cadre brisé sous le poids des ans ou de leur propriétaire, d’autres sont volés puis jetés dans une rivière, mais heureusement, souvent ils vivent une fin de vie paisible, remisé dans le garage d’une maison de vacances, à l’été on les redécouvre et de bon matin sur les chemins, on se sent pousser des ailes …
Joli monobloc sur deux roues !
Merci pour ce beau texte !
J’aime beaucoup la fin (le reste aussi).
C’est l’astre à parcourir villes et sentiers, la vie à califourchon, votre vélo surprend avec son « cœur à engrenages »… Merci Laurent !
Il y a longtemps que je n’avais plus fait de vélo et ça fait du bien. Le visage encore frais, la bas du pantalon souillé par la graisse noire de la chaine et cette éphémère sensation de liberté. J’avais oublié ce que ça faisait d’avoir des ailes dans le dos. Merci pour ce très beau texte.
J’aime beaucoup la sensibilité qui circule dans ce texte. Merci!
Joli, je regarderai désormais le mien autrement quand il me fera suer dans les montées 😉
J’aime bien ce curieux animal, que nous avons tous un peu dans les pattes… et dans les ailes!