C’était tard dans leurs deux vies que lui et elle s’étaient rencontrés, que son tard à elle et son tard à lui sont devenus le tôt de eux deux, on s’est rencontré tard, c’est récemment qu’on s’est rencontré, dans le tard de lui, le tard aussi d’elle, quand elle et lui peut-être, sans doute, s’étaient résignés, elle et lui, à vivre seul, lui sa vie de lui, et elle sa vie de elle, avec pour elle un chien, et pour lui un gros chat roux, et au-dessus d’eux une petite maison laissée, pour lui, par des parents morts et qui lui était revenue à lui plutôt qu’aux frères parce que c’était lui plutôt que ses frères qui s’était occupé de ses parents vivants, sa mère et son père, jusqu’à la mort du père la mort de la mère, et la maison était à lui, désormais, la maison et donc aussi le chat, le gros chat roux, et la maison d’elle était à elle, avec dedans un petit chien, et pas très loin l’usine de confection de matelas tenue par son frère et où elle travaillait, et dont elle rentrait pour promener le petit chien, et l’un et l’autre, lui et elle, s’étaient rencontrés, dans le tard de elle et lui, et alors que dans leurs familles, celle de lui et celle aussi d’elle, on s’était résigné depuis un moment à ne les voir vieillir que, lui, avec son chat, que, elle, avec son chien, et lui et elle devaient s’être résignés aussi, qui allaient, lui de fête de village en fête de village, et elle d’émission en émission, pour que la solitude, celle de lui et celle d’elle, soit moins rude et âpre et énorme pour elle comme pour lui, et lui et elle s’étaient rencontrés et si elle et lui assurément en étaient heureux, c’était surtout les familles de elle et lui qui s’en étaient réjouis, et l’on avait même pensé, que peut être, pour lui, c’est la mort du père la mort de la mère, qui a enfin permis, et pour elle que ce serait bientôt la retraite et donc le mieux, finalement, pour vivre à deux la part du temps où l’on a le temps, et elle et lui, dans leur deux tards, se sont rencontrés et après s’être rencontrés ont continué à vivre, elle et lui, lui dans sa maison de lui, elle dans sa maison d’elle, avec gros chat et petit chien, en faisant parfois, régulièrement, comme des parents divorcés qui ont tout un tas de passé derrière eux et qui se sont rencontrés trop tôt dans leur vie, trop tôt pour que ça dure toujours jusqu’au très tard de leur vie surtout trop tôt pour mener ensemble la vie jusqu’au tard ultime de mourir, comme deux parents séparés, ils vivaient, elle et lui, dans deux maisons, et lui disait je vais chez elle, et elle je vais chez lui, comme s’il y avait eu, dans leur plus tôt d’une vie à deux, une maison à eux deux, où elle et lui auraient vécu, une troisième maison avant les deux leurs, une troisième maison qui aurait été leur première, où elle et lui plus tôt auraient vécu, et ainsi, dans leur tard de vie, son tard elle et son tard lui, ils avaient fait, tardivement, ce que nous tous on fait aussi, de mener le un peu plus tôt en un peu plus tard, et d’ignorer tout du dernier tard d’être mort, mais sans y penser trop, plutôt penser au chien ou à un gros chat roux, ou penser à elle, pour lui, penser à lui, pour elle, et pas trop au temps qui leur tourne, elle et lui, autour tout le temps, autour aussi de leur famille, la famille d’elle et celle de lui, et qui s’en est allé, le temps, avec, lui, le corps de la mère le corps de son père, laissant dépasser d’entre eux deux, la queue seulement, rousse, d’un gros chat.
Beaucoup aimé votre texte, chère Milène…
on peut le commencer à n’importe quelle phrase, ça fonctionne, ça court, ça nous interpelle fort… sans qu’on y pense trop quand même…
merci merci…