De l’école des loisirs (Les sœurs et frères Murails, Moka, Lehmann etc.), la formation et le loisir de lire.
De Pierre Desproges, de Boby Lapointe, des Monty Pythons, du Greg d’Achille Talon, de Georges Brassens, de Raymond Devos, de Yak Rivais, de Peff, de Douglas Adams, de Roald Dahl, mais aussi des mille héros de stand-up qui rythment ma vie, la magie qui dérouille et déverrouille les langues françaises et anglaises de tout âge. Dur de travailler le rire sans lourdeur, sans essoufflement. Travail ingrat et nécessaire.
Des mille accords, surprise des mélodies (de Visée, Couperin, Rameaux, chants de Vivaldi), l’Arpeggiata, Savall, vous existez !
De Michaux, son évasion libératrice à la recherche du sens, par de là l’invention, l’intuition, l’imagination, entre les lignes, vers les songes et l’inconnu … son audace à traverser le réel par des élans de création férocement vitale. Le surréalisme caustique libéré du surréalisme et de la plume. Son appétit ethnologique, son intensité biblique, sa folie régénératrice. Les premières pages des propriétés ! Les émois de Plume ! Le ton de ses remarques de voyages, le ton des voyages de ses remarques !
De Manganelli, la surprise de ces débordements de fluctuations imaginaire, bordant l’espace du possible des myriades d’attentes du littéraire infini. De l’espace, de l’air, du large … de la vie ? Ses Cents petits romans fleuves, pour peupler la nuit.
De Walser, scrupule de la décontraction (ou le contraire), la spontanéité, la fraicheur et la profondeur de ses romans, la créativité quasi tautologique de ses découvertes microgrammatiques, l’écriture si minutieusement improvisée qu’elle s’ancre immédiatement dans les profondeurs de l’envie d’écrire.
De Baudelaire, de Mallarmé, de Villon, plus beaux souvenirs scolaires (il en faut). Émois premiers de l’idéal du style.
De Sarraute, mettre des mots sur ce qui ne possède aucun vocabulaire. Prix du plis de la quête littéraire ? (L’oralité aussi ainsi que de Viel, de Tarcos, ou de Céline. Pas d’ordre ici. Tant pis.)
De Proust, rétablir la réputation des Saturniens ? L’obsession du temps (son irréversibilité ; sa plasticité).sans crainte de la démesure, mais explorées par toutes les stabilités les plus « établies » comme l’expérience la plus audacieuse. La folie, domptée, portée au comble, l’épique de l’essai. Le mythe du livre, la musculation de la syntaxe et de l’ironie par la précision d’une extrême exigence. La patience.
De Barthes, la description d’une musique intérieure qui nous animerais tous, peinant à en discerner l’ombre (de Proust le même commentaire par une méthode toute autre).
De Sterne, la jouissance des digressions à la gloire du tiret, l’absurdité vivante et minutieusement anglaise.
De Hegel, de l’audace. Ces philosophes nous la feraient haïr si l’envergure de leurs obsessions ne déployaient une volonté aussi fascinante de contrôler leurs enveloppements. Plus romanesquement, l’allant de Victor-Hugo.
De Montaigne, la jovialité de la pensée au croisement de tous les livres. Démenti du précédent commentaire.
Des historiens pour nous montrer que la vie s’explique par le langage.
De Carroll, la logique mathématique férocement inadéquate au réel.
De Beckett, la construction de mondes d’émotions surgis du néant, qui y retournent, après avoir fait résonner les cages de la fiction d’un drôle de rire que l’on oublie plus.
De Kafka, le zèle à manier l’absurde de la plus sérieuse des façons. Un haut fonctionnaire dont les documents critiques sont classées à coup de pied dans la commode de sa chambre à coucher.
D’Auster, l’intrication de la vie à la fiction, dans l’anecdote du ficelé, l’intrication de l’intriqué ouvert que découvre l’indétermination.
Des Âmes mortes de Gogol, et du Maitre et Marguerite de Boulgakov le roman programmatique coulée dans l’épopée démonstrative de l’absurde et ma première expérience de l’humour russe.
De tous ceux dont j’aimerais humer la prose ou les vers afin d’en étreindre quelque incidences en lettres personnelles. Ceux que je n’ai pas encore rencontré ou que j’aimerais parcourir davantage, les inspirations anticipées, les échos supposés des milles auteurs fantasmés dont je m’autorise pourtant l’inspiration aveugle sans les connaitre, ou si peu. Glissant, Gracq (très beaux Syrthes, rêves de rivages), Deleuze (très chouette Nietzsche, rêves de cablages), Jean-Paul, Lautréamont, Blanchot (fantasme de l’impensée littéraire), Swift, Melville, etc. Je vous invoquerai à nouveau …
De Tintin et les cigares des Pharaons. L’anecdote familiale que j’en connaissais l’histoire par cœur avant de savoir lire. Le souvenir que j’y ai appris à lire. La perception physique d’observer une définition personnelle dans les couleurs et la disposition des éléments de la couverture. Cette histoire de cigare ne m’a pas rendu fumeur mais j’en ai collecté longtemps une fascination persistante pour l’Égypte ancienne, qui eut pu certainement constituer l’heureux horizon de mon existence, eussè-je opéré différents choix de vie subséquents. Et puis l’étonnant rituel de relire avec la plus grande attention chaque album de Tintin amassé religieusement tout en tentant de deviner le nombre de jours qu’il me faudrait attendre avant que les limites de ma mémoire ne m’autorisent à le relire sans en gâcher la fraicheur, le plus tôt possible.
Codicille : Merci Lamya pour le petit aperçu du début de ton texte en zoom pour me rappeler ma propre expérience formatrice de Tintin !
Pourquoi un seul personnage ? Pourquoi Tristram Shandy efface-t-il Laurence Sterne ?
Parce qu’il s’agissait d’une erreur publiée trop tôt (ou trop tard) et corrigée dans un sommeil sans connexion wifi. Merci de la rapidité du retour. (Je devrais apprendre à mieux utiliser la fonction « brouillon »). De fait, je n’ai pas lu la « Journée sentimentale » de Sterne (il aurait pu trouver sa place dans le dernier paragraphe) dont le Shandy se superpose encore à l’auteur dans mon esprit.
est-ce Sartre le Jean-Paul (assez cavalier hein…) :°) ??