Le sentiment d’ombre, l’ombre qui nous suit et l’ombre qui nous précède, celle de maintenant et celle qui respire encore après tant de jours, le sentiment de la certitude de sa présence proche et inatteignable, le sentiment de confiance ancré dans ce qui borde les jours et les corps, en un éveil continu, le sentiment de l’ombre une prémonition pesante mais parfois aussi comme un frissonnement proche et apaisant, quelque chose qui grandit ou se rétracte dans les creux, dans ce chemin du dedans qu’il faut mener seule, mais avec le sentiment étrange que l’ombre traverse, traînée par on ne sait quel fil rouge ou bleu, qu’elle se tient même au plus près, parfois au bord des lèvres, qu’elle parlerait à la place de, si on laissait aller, qu’elle écraserait, étoufferait de sa texture ce qui cherche à se libérer, qu’elle serait prête à réduire l’espace autour, à le rendre illisible, à recouvrir de son étoffe sombre les entours de soi, à nous enrober dans une forme d’ivresse noire, où s’abandonner serait la seule issue, alors d’un coup de pied rageur repousser l’ombre et retrouver le sauvage désir de sortir de l’étouffement, que chacun chacune reste à sa place, elle un peu derrière, allégée, se faisant volutes de fumée de fraîcheur, endossant une parure allégée et secrète, qu’elle se fasse ombre mauve, fidèle mais se tenant à sa place, dans les registres de l’obscur, dans le sentiment d’une tache d’encre où pouvoir plonger la plume, ou d’un simple ruban d’ombres pour nouer les cheveux, oui vouloir juste remettre ce sentiment d’ombre à sa place, pas trop large, pas trop près, mais qui est là, et que l’on n’oublie pas.
Touchée par la confrontation avec ce sentiment d’ombre.
« fidèle mais se tenant à sa place, dans les registres de l’obscur, dans le sentiment d’une tache d’encre… » **