Le sentiment d’être resté, de ne pas être parti, le silence qu’on scrute pour le comprendre comme on essaierait de voir dans le noir, ce n’est pas bruyant d’habitude, où est la différence, l’absence peut-être de bruit de fond, de ronron continu, là juste des éclats parfois, d’un râteau sur un espace de gravier et quelques bruits d’enfants, de voix dans un jardin, l’aboiement d’un chien, rien de continu, des ilots dans le silence, tout le monde n’est pas parti, on croise des gens, des couples surtout, pas de groupe, pas de joggeur isolé, le calme, pourtant le sentiment de décalage, de non-synchronicité, presque un malaise, une interrogation au moins à examiner, une gêne à se dire qu’on est là alors que tous les autres sont partis, une exception, une lassitude de tout ce qu’implique le déplacement, un acte militant, exemplaire pour ne pas se plier à l’obligation de bouger, une particularité dont on jouit pleinement qui laisse pourtant comme un sentiment d’exclusion du cours normal des choses, des gens et des vies, le sentiment d’un combat sans cause dont il faudrait se justifier, le sentiment d’un isolement, le sentiment qu’ils vont rentrer, tous, et qu’il ne restera rien du sentiment d’être resté, de ne pas être parti, mais qu’il sera là de nouveau quand ils repartiront tous pour une fin de semaine de trois jours, ou quatre, ou cinq et de plus en plus loin, en voiture, en avion, chez des amis, de la famille ou juste pour voir le monde.
ici donc l’approfondissement de ce « ne pas partir » #voyages#10 que j’ai tant apprécié de lire : rester, stationner — et devenir presque le fond du silence
c’est peut-être cela aussi : habiter ?
Les deux textes ont le même point de départ. Tarkos m’a permis de développer ce sentiment infime.
Je n’ai pas le sentiment d’habiter ou alors habitante du monde qui ne ressentirait plus le besoin de bouger.
Merci de ta lecture.