Le sentiment d’un silence, non pas celui d’un silence mais du silence, celui que l’on pourrait dire éternel, ce silence si entier que l’on pense ne l’avoir jamais entendu avant, le sentiment peut-être même d’être atteint de surdité puisque rien ne vient rayer cette densité, rien ne vient évoquer un monde qui continue sa course, rien pour rappeler à l’ordre des jours, un sentiment de silence si intense que l’on se sentirait enfin accordé à soi en toute simplicité, poète ou pas, peu importe, mais être vivant comme jamais ressenti auparavant, un sentiment de silence si grisant d’importance qu’il faut le traverser une fois dans sa vie, pour savoir que l’on vaut bien plus que ce que l’on croit, que ce qui se révèle là, dans ce sentiment de silence, cela aurait sans doute à voir avec une initiation, une sorte de passage pour évoquer d’autres rives possibles, un espace où demeurer un peu, pour rassembler des bouts de joie, des bouts de soi dans toute leur épaisseur, le sentiment d’un silence dans toute son épaisseur, le sentiment d’un silence à plusieurs dimensions qui n’en finit pas d’appesantir, et pourtant non il ne pèse pas, il est dense mais aérien, souple et profond, dans l’évidence d’une pureté et le mystère de sa nature, un sentiment de silence si absolu, si accompli, si essentiel que le chant de l’oiseau qui jaillit soudain ne brise rien mais disperse ce silence en milliers d’atomes et lui donne l’artifice ultime de le garder un peu plus longtemps avec soi, il est là ce sentiment du silence que l’on emporte bien calfeutré, un vrai cadeau.