#anthologie #prologue | le Sei

La peau a-t-elle une mémoire, une mémoire à elle, une mémoire qui ne passe pas ni par les apprentissages ni même par le cerveau ?
J’ai été langée, nourrie, consolée de mes pleurs par un soldat allemand prisonnier de guerre chez mes parents. Il y en a eu longtemps après la guerre. Avait-il chanté, crié Heil Hitler ? Sans aucun doute. Bien obligé. Il aimait bien s’occuper de moi, parce qu’il avait lui-même des jumeaux qu’il n’avait pas revus depuis… longtemps sans doute ? Mes oreilles ont entendu des berceuses en allemand. Je me suis calmée de mes colères de bébé avec des rires et des gloussements allemands, oui sans doute que les pères allemands ont des gloussements aux accents particuliers. On l’appelait le Sei m’a dit ma mère lorraine qui détestait parler allemand mais l’évoquait, lui, toujours avec une étonnante tendresse dans la voix . Sei en alllemand c’est impératif du verbe être. Sei ruhig sei glücklich , sois tranquille, sois heureuse. Peut-être qu’à force de me répéter, Sei, Sei, Sei il en a tiré son surnom.

A propos de Monica

Je n'ai pas souvenir du temps où je n'écrivais pas mais il y a de longues périodes où j'écris peu, voire pas du tout. Comme a dit François Bon dans son introduction, cette fois-ci, j'écris pour "sauver ma peau" . L'expression m'a frappée. Je vis entre la région parisienne et un endroit un peu perdu au sud de Millau.

3 commentaires à propos de “#anthologie #prologue | le Sei”

  1. Bonjour Monica, Ton texte me touche, j’y lis une parenté avec le mien. Nous avons été, toutes deux, calinées en allemand.

  2. Intéressant ce rapport à la langue (allemande) – usage / déni – comme fil conducteur de votre texte.
    Et la ‘parentalité par procuration’ d’un soldat qui n’a plus vu ses jumeaux depuis longtemps.
    Envie d’en lire plus encore.
    Bel atelier d’été.