L’auberge. Un vieux mot. L’auberge. L’auberge dans la ville-rue. Quelques voitures stationnées. De la poussière sur les capots. L’auberge est-elle ouverte ? Elle est garée. Les muscles des jambes se refroidissent. Elle déboucle la ceinture de sécurité. Un cliquetis sec. Elle ouvre la porte aux joints chauds, usés, collants, qui résiste un peu à la poussée. Aucune voiture ne passe. Le soir. La ville rue. Les bâtisses en brique Quelques magasins fermés. Une mercerie au rideau tiré. Sous un pont avant l’auberge, coule un filet d’eau. Avant le pont, il y a l’entrée du village, du bourg, de la ville-rue. Et avant encore, il y a la longue route, droite, à peine vallonnée. Et des arbres au bord de la route parfois. Des panneaux indicateurs, et le métal brûlant des glissières de sécurité dans les virages rares. Un panneau de publicité annonce un supermarché à deux kilomètres. Elle contourne la voiture.
Au-dessus, il y a un grand ciel blanc.
Elle pose le pied sur le trottoir. L’auberge est-elle ouverte ? Elle ne perçoit aucun mouvement à l’intérieur. Pas de bruit. Dans la rue, il n’y a personne. Ni humain, ni chat. Trois coquelicots sur le bas du mur de l’auberge. Trois tâches rouges. Elle se penche.
Dans la rue il n’y a personne ?
Une colonne de fourmis. Une barre chocolatée au milieu d’une touffe d’herbes. A côté de l’auberge, il y a un terrain à vendre. L’herbe a séché. Quelques pneus. Et la silhouette d’un pommier. A l’entrée un baril. Au fond, une eau grise, quelques cadavres d’insectes en surface. Elle tend l’oreille.
Aucun bruit, ça n’existe pas.
Ca ne sent pas l’ailleurs. Ca sent le nulle part et le maintenant. Soudain, un courant d’air. Un peu de mouvement. Une colonne de fourmis, un courant d’air, et quelques ondes à la surface de l’eau dans le baril. Après de longues heures de route, elle est là. Elle s’est arrêtée. Dans l’air, comme une odeur de feu de bois. Et puis soudain, comme un bruit de percussion. Et un chant dans une langue qu’elle ne connaît pas.
Alors de l’auberge, dans le village, le bourg, la ville-rue, elle pousse la porte.
Bonne base de départ, avec des transparences et des reflets. Par contre je ne sais pas l’italique facilite lecture sur long texte ?
Ha oui en effet, c’est un italique malgré moi, il est apparu tout seul… un acte manqué graphique.
J’aime beaucoup le passage « Ca ne sent pas l’ailleurs. Ca sent le nulle part et le maintenant ».
Une auberge dont on a envie de pousser la porte et en même temps on pourrait le regretter. Un petit air à la « hotel california »?
Bravo pour ce texte musical et mystérieux.
On veut une suite 😉
Intriguant… une évocation suspendue dans l’air… une histoire au passé presque, nous demandant non pas que va-t-il se passer mais que s’est-il passé ?
Ha oui c’est une bonne idée ça, merci
Quelque chose de l’ordre du western… Dans le son, les changement de focales… Et la musique qui arrive à l’instant suspendu
il n’y a plus qu’à trouver les bons, les méchants, le fou à l’harmonica et la belle indienne à sauver, au boulot! 😉
Très cinématographique, en effet. C’est super, j’adore.
Merci, et maintenant… qu’est-ce qu’elle peut bien ne pas savoir cette bonne femme ?… Un poisson rouge dans le baril ? Un cadavre dans un placard ? A suivre !
Rétroliens : #L2 | Le ciel est de cuivre sans lueur aucune – Tiers Livre, explorations écriture