Je l’ai déjà vu, mais peu. La salle de musique est assez impersonnelle. Dans un coin deux bureaux, des synthétiseurs, un piano, plutôt froid comme ambiance. Du coup il prend toute la place par l’intensité de sa présence, son attention toute entière à l’enfant. Il est grand, mince, habillé sobrement d’un jean et pull à encolure en v. Il finit avec un élève, je regarde et écoute comment il s’y prend. L’enfant a joué son morceau de piano, avec peu de mots mais précis, il lui fait quelques remarques, là il faut qu’il recommence juste ces deux mesures. Il lui dit que c’est mieux et qu’il a bien travaillé cette semaine. Il prend deux minutes, tourné vers la fenêtre. Il fait sans doute le vide, entre chaque cours, pour se reprendre. Il me dit juste de m’asseoir et attend. Il me laisse installer la partition, la jouer en entier, m’indique une ou deux erreurs, me fait reprendre puis me fait remarquer que je me suis attaquée à une grande montagne en voulant commencer le Jazz. C’est déjà l’heure pour le suivant.
Une année va passer ainsi. Puis des déplacements constants à Grenoble m’obligent à prendre des cours particuliers, ils ne se passeront plus à l’école mais chez lui. Son appartement est très clair, un couloir conduit à la pièce où il donne ses cours. Il m’explique que le piano est numérique, comme il habite un immeuble, il ne veut pas gêner ses voisins. J’apprends que sa mère vient de mourir et que c’est très dur pour lui. Son père est décédé depuis quelques années me dit-il et c’est lui qui, à ses huit ans lui a dit d’apprendre par cœur tous les accords et toutes les gammes. Il ajoute que, même à mon âge, je devrais en faire autant. Puis il me propose un café, les contacts deviennent plus chaleureux. Comme je lui demande s’il n’a pas trop de travail, il acquiesce en ajoutant que ça lui convient. De plus il donne des concerts avec un groupe et sinon il va marcher. Tout à coup il se met à rire et me fait remarquer qu’il faudrait m’asseoir et jouer, que je suis là pour ça. Tout en restant l’enseignant qu’il veut être, précis, exigent, il sera un professeur attentif et très soucieux de ne pas séparer » l’élève au cours de piano » de sa vie comme elle va. Il me regarde un long moment et me parle d’une petite de onze ans, son élève, qui veut tellement apprendre et a beaucoup de mal, panique un peu au cours, elle lui dit tout doucement « Je voudrais tellement être pas comme je suis. »
magique
Merci, Piero, tellement !
Accrochée par le piano, touchée par le portrait. Le récit se déroule simplement, avec sobriété, et en même temps je ressens la tendresse pour le personnage. Merci, Simone, pour la rencontre.
Ca me fait plaisir, Monika. C’est très intéressant de se lire les uns les autres. Je vous remercie beaucoup de votre petit mot.