Recouvert d’une teinte tirant vers le jaune, couleur ordinaire, communale, l’impersonnel de sa peau ne heurte aucun regard. L’œil la parcourt sans intention aucune, machinalement, s’il n’avait décidé de s’y arrêter le temps d’une observation plus précise. Le mur d’en face comme rencontre entre éloignement et séparation. Essayer de le dire, c’est accepter de se heurter au barrage qu’il impose au regard. L’éparpiller. Le disjoindre. A gauche, suivre les méandres des câbles électriques entremêlés qui jaillissent d’une gouttière fixée au sol grimpant d’environ deux mètres sur la façade, qu’on a tenté de dissimuler en les recouvrant de la même teinte jaunâtre. Les câbles ascensionnent jusque sous le toit, le bordent puis se prolongent sur la droite pour traverser la rue jusqu’à l’immeuble suivant. Percé d’une porte-fenêtre le mur d’en face comporte certains accrocs dont une déchirure qui le scinde à hauteur de balcon laissant apparaître le crayeux de la façade. Par endroits sous le fard communal la peau éclatée mue vers le blanc, le vierge ; plâtre de mur, sous-couche, écailles et lambeaux se détachent, s’offrent au vent ou tombent peu à peu vers l’inexorable de la rue. La porte-fenêtre, que jouxte le pot d’une plante jadis fleurie dont il ne reste à présent qu’un arbrisseau desséché dépassant de la terre, s’anime certains jours. Elle peut s’ouvrir sur un balai à franges qui s’égoutte avec son seau retourné, une scène de jeunes femmes autour d’une table en train de jouer aux cartes, une housse de couette pendue au balcon, une femme en train de fumer qui dépose ses mégots dans une boîte de conserve posée à côté du pot de plante, des éclats de voix ou de rire, un chien qui regarde les passants dans la rue, la tête passée entre deux barreaux du balcon et n’aboie jamais, des rideaux blancs qui s’agitent les jours de grand vent.
Superbe !
Merci à vous. Écrire encore…