Trop de souffrance, j’en suis arrivée là, le produit rentre dans ton mode de vie. Si tu les fais bien les mecs, tu les revois trois ou quatre fois par semaine, ça te laisse assez pour ta galette. Je travaille bien, vingt ou trente euros toutes les quinze minutes, parfois ça va même plus vite. Les plus généreux c’est ceux qui te laissent fumer en même temps. Là tu sors de ton corps, la plupart des clients aiment les filles qui fument, sont plus maniables. Ça me pose un peu, une chambre d’hôtel, parce qu’on nous vire sans cesse, la ville ne veut pas de nous. On est revenu plusieurs fois à Stalingrad, surtout quand ils nous ont chassé de la colline. Le parc Éole, j’y ai jamais cru. Les proprios d’appart de standing, à côté, ils ont râlé. Ils ont fait une affaire quand la friche sncf est devenue un parc bien comme il faut, alors les tox ça faisait tâche. Et maintenant regarde, ils ont monté un mur, paraît que ça protège les habitants de Pantin. Moi je connaissais que le mur de Berlin, je savais pas qu’on pouvait encore faire des murs pareils. Remarque rien ne m’empêche d’aller chez Casto pour acheter de quoi le percer, leur mur. Faut pas qu’on franchisse le tunnel, celui des gens bien comme il faut tu vois. Y a des manif tout le temps contre nous. On est un peu la patate chaude de Paris, et j’en entends quand ça gueule ; « protégez nos enfants », « le pays est malade » « injonction de soins », « villages thérapeutiques loin de chez nous » (mais qui sont-ils pour avoir l’exclusivité du « nous » sur la ville, parce que nous on y crèche vraiment, sur le bitume ?) « que fait Darmanin ?»« on veut retrouver notre quartier », « t’as pas le droit de pisser là, non mais regardez elle s’essuie devant tout le monde ». Toujours la même rengaine. Mais moi j’arrêterai pas, tu sais quand t’en prends, du produit, c’est un peu comme si t’étais dans le ventre de ta mère, c’est tellement bon. Alors qu’il le monte, son mur, le préfet, ça m’arrêtera pas.
Effrayant mais la réalité de l’endroit et certainement d’autres aussi. Merci