Un endroit/envers
restaurateur (n.)
“faut qu’elles arrêtent avec leurs trucs d’artistes là… »
Et ça, c’est les gentils, ceux qui veulent nous aider à nous en sortir, selon leurs critères bien sûr.
Réussir à savoir ce qu’on veut faire, trouver l’endroit pour le faire, c’est déjà pas mal. L’exprimer. C’est ça la prochaine étape.
C’est pourtant assez simple quand j’y pense, quand je l’imagine. Je vois un endroit, ni grand, ni petit, dans lequel je/Blanche/n’importe qui ferai(t) des choses que des gens de pas sages viendraient « manger », pour pouvoir digérer ce qui est, l’accepter et repartir très très très légèrement « différent » de l’état dans lequel ils sont entrés.
Sans jamais donner aucune orientation à cette différence. Jamais. Mais laisser digérer les temps nécessaires.
Je comprends qu’on puisse le percevoir comme extrêmement ambitieux, mais je n’arrive pas à le concevoir autrement. Et si je n’y arrive qu’une seule journée, qu’un seul service, que pour une seule table, alors ça en aura valu les peines.
De mon histoire individuelle, de la petite histoire contemporaine, de la Grande Histoire Occidentale, ou des histoires mythiques innommables, par-delà tout cela, au-delà de toute visée, du matin dans l’épicerie à choisir les ingrédients jusqu’au lavage du sol le soir, du coucher tôt au lever tôt, de chaque syllabe usée à tenter la vaine réécriture d’un portrait ou deux, de chaque recherche de sens dans l’étymologie de tel ou tel mot, de chaque recherche de goût dans telle ou telle racine, de chaque mort découpée sur la plaque, de chaque mort découpée au clavier, du clavier qui déconne au stylo qui fuit, de chaque rature à chaque rayure, de chaque arrogance à chaque arrogance, sentir tout cela nourrir et me dépasser. Être dépassée, certes , mais être.