Les paupières se soulèvent, elle se redresse sur les coudes et retombe sur l’oreiller. Le ciel s’est voilé. Elle est malade. Attendre que le souffle s’apaise pour appeler sa mère. Elle n’ira pas à l’école. Pas une rémission mais une démission, elle aime tant apprendre. Elle voudrait tout savoir.
La maladie est un retrait, un refuge ou bien un piège. Glissement du temps dans le lit bateau. Elle se laisse aller au roulis des flux et reflux de la fièvre.Consciente, inconsciente, s’enfoncer dans une poche de sommeil, sombrer, s’abandonner à la vague, puis remonter. Le lit est arrimé au mur dos aux fenêtres, dos au jour, dos à la lumière. Malade elle n’est vue de personne, de nulle part. Elle est hors champ, hors de la rumeur du monde. Quelque fois, elle observe le jeu des noeuds de bois dans le lambris qui tapisse la chambre. Y devine des formes, des yeux, une bouche, un visage, comme on fait avec les nuages. Puis repart dans le sommeil.
Les seules trouées de la journée sont les repas que lui apporte sa mère, toujours les mêmes, invariants, de la compote de pomme accompagnée de deux biscottes. C’est la nourriture de « quand elle est malade ». C’est elle qui a choisi. La texture sèche et fade des céréales tempérée par le sucré des pommes cuites la rassure.
Dans le lit bateau, les livres compagnons sont à portées de main. Qu’on les lise ou pas, ils sont là, présents, prêts à délivrer leurs histoires sans qu’il soit besoin de les ouvrir, dans le monde clos de la chambre, dans le temps alenti de la maladie.
Un matin elle se réveillera le corps et la tête plus légers, avec ce désir de poser le pied à terre, de sentir son poids sur le sol, de quitter son refuge, de laisser là sa barque.
finalement il y a du bon (c’est vrai) dans la maladie
Oui, la maladie est porteuse d’ambivalence, comme dans votre texte. Bonne journée !
Naviguer dans la barque « hors champ », « hors de la rumeur du monde ». Cette position « dos à la lumière ». Il y a le corps dans tout le texte et beauté de « le désir de sentir son poids sur le sol ». Echo d’un voyage universel dans la barque de la maladie. Merci. Et aussi les dessins dans les noeuds du bois.
Grand merci Anne, et une belle journée !