Tandis qu’elle se recueille sur la tombe, le gardien du cimetière s’apprête à fermer la grille après avoir fait un tour pour prévenir les retardataires de se diriger vers la sortie. Sans qu’elle s’en rende compte il l’observe attentivement, comme il surveille tous ceux qui s’aventurent sur son territoire. C’est lui le maître des lieux et il entend bien faire respecter le dernier sommeil de ceux qu’il considère comme ses pensionnaires. Le voilà d’ailleurs qui se précipite au bout de l’allée centrale pour calmer des gamins trop bruyants qui en seraient venu aux mains sans son intervention. Il se demande ce qu’ils faisaient là, comme beaucoup de visiteurs leur présence ne lui semble guère légitime. Comment faire respecter le calme et la solennité indispensables au repos des morts si chacun se croit ici en un lieu de promenade ordinaire ? Il faut dire que les grands arbres qui bordent les allées offrent un cadre propice à la détente, voire au dépaysement dans ce quartier ouvrier où les seuls troncs dressés vers le ciel sont ceux des cheminées d’usine aux fumées nauséabondes. Alors ils se sentent tellement bien ici que si on les laissait faire ils joueraient aux cartes à l’ombre des mausolées ou improviseraient des bals sur les pierres tombales. Mais il veille, lui, et rien ne lui échappe. Il connaît les habitués, comme cette femme en manteau gris qui l’ignore chaque fois qu’il lui adresse la parole.
Bel écho au texte sur la visiteuse du cimetière… Ce qui est intéressant, c’est cette tension entre le gardien du cimetière qui a l’impression qu’elle l’ignore alors que le premier texte la dépeint comme quelqu’un de presque invisible. Très beau jeu sur le regard ! Visible, invisible, pour qui, pour quoi ?
Merci pour votre lecture !