J étais à Barcelonne vers le port au bout de cette avenue longue de kilomètres,
J’étais au bord de la Manche, à Omaha Beach le soir entre chien et loup, j’ai entendu les fantômes de la nuit, des cieux déchirés.
J’étais quelque part dans le Vaucluse lorsque je la vit surgir des pins, sa toiture perdue, sa robustesse dans le vallon, je la regarde, pour la photographier, puis la peindre, et je la perds.
J’étais à Caussols dans la neige sous les coupoles de l’Observatoire, les coupoles dirigées vers les étoiles, la voie lactée réfléchie et les pas dans la neige, comme si nous marchions dans l’éther
J’étais à Dolce-Aqua sous les voutes de la ville ancienne, les pas résonnants sur les murs de pierre, les sons retrouvant les sons gardés dans les murs par d’éphémères sentinelles
J’étais à Florence, j’ai marché la nuit le long de l’Arno, un ruban noir épais chargés des odeurs de la nuit alors que le monde dort, seul l’Arno, masse illusoire pousse vers des deltas, les plis de son manteau pour réchauffer la ville transie, carré nocturne de voûtes, de pierres, de palais, de dômes assombris, de cours, et de fontaines
J’étais à Sienne, j’étais à Avignon au palais des Papes jusqu’à la courre, alors en chantier, elle souffrait des milles piliers d’acier qui la soutenait, mais elle était vivante !
J’étais à Lourmarin premières notes d’une symphonie, baignée de vents ; Ici aussi, j’ai dormi dans le vallon, protégée, isolée.
J’étais à Angkor, entendu chanter le puits et regarder les singes de pierre attendre l’éternité
J’étais à l’Ile de la Cité, je marchais, j’ai reconnu Paris.
J’aurai pu m’arrêter à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar.
Je courrai à Antigonie, à Ronka Flat aux bords de la Murray River
J’irai à Mycène, Epidaure, Itanos et Argos, Naxos et Cnossos, en Grèce, soulever le voile d’Isis
J’irai à Ectaban. J’irai à Dalverzin-Tépé en Ouzbékistan, dans la citadelle labyrinthique construite par les Kouchans, tombée en désuétude.
Je sillonnerai les pistes jusqu’à Pétra, Babylone et Ninive,
J’irai à Jéricho, en Palestine.J’irai à Jérusalem, à Tombouctou, Volubilis et Hypogée
J’irai à Néapolis, à Ephises, dans la citadelle d’Alep, voir la citadelle de Marqat, sur les côtes syriennes, je verrai les colonnades d’Apamée « Qal`at al-Madhīq »,
Je longerai des contrefort d’une ville assiégée, des cavaliers barbares sillonneraient, s’arrêteraient à peine dans les auberges, Je passerai sous un porche d’un lieu fabriqué de sons, soutenus par des fantômes de pierres, des femmes – leur regard absent ne regardant nulle part. L’architecture de ce lieu – dont je ne verrai que la façade – se déploiera au-delà de mon regard – j ’entendrai le vent venir d’ailleurs s’engouffrer sous la voûte; j’attendrai et chercherai une fontaine où apaiser ma soif. J’arriverai dans cette ville en passant par la plaine, un homme brandira une baguette de noisetier, un sourcier, la ville se déploiera sur l’horizon comme un astre diffracté, porteur de lumineux mensonges. Des passerelles maintiendront la structure, les flèches voudront donner à l’ensemble un rythme aérien. J’aurai pu aller à Armilla, ville invisible piochée au hasard dans les nouvelles d’Italo Calvino. Repassant sous le porche je revoie cette ville sans murs ni sol, les noms exotiques chantent un monde rêvé. Les habitants de cette ville vivent en troglodytes, dans des mas de pierre, ils ne sortent qu’au coucher du soleil, commercent, ils sont particulièrement artistes aussi , leurs villages sont nichés sur des pics de pierres comme les oiseaux. Les villages sont organisés, découpés en quart : ils veulent reproduire le cycle lunaire sur terre. Ils font des incantations et se couchent au lever du soleil.
Un voyage comme on effeuille un livre de photos chargées de souvenirs. J’aime beaucoup.