On fait étape. C’est ce qu’on dit. Combien de fois fait-on étape ? En général, une fois suffit, une nuitée, la coupure du trajet en deux, scie circulaire dans l’épaisseur moite d’une soirée d’été ou lourde, orageuse d’une nuit déjà tombée (si tôt) sur nos épaules. C’est sur nos yeux que ça tombe le plus vite, c’est ce qui nous pousse à nous arrêter. Avant l’étape, ou l’escale, il y a les pauses que la fatigue rend nécessaires. On fait cette halte, on ne reste pas. On est déjà reparti, tu vois ?
On fait étape, c’est dit.
Nous passerons la nuit dans cet hôtel, cet airbnb, cette chambre d’hôte. Nous poserons le strict nécessaire de notre bagage. Nous marcherons pour délasser les muscles, pour assouplir le squelette. Nous nous économiserons. Nous ferons le tour du propriétaire, le tour du pâté de maison, le tour de la parcelle, du jardinet, du parc paysager, du champ d’à-côté, du sentier de forêt qui d’ici, semble si près. Nous humerons l’air tiède de la quiétude et du repos. Nous mangerons de bon appétit, de ceux que creuse la route. Nous dormirons ou nous rêvasserons, insomniaques, à notre destination finale.
On fait étape, a fortiori : citius, altius, fortius.
Nous passeronsla nuit dans ce cargo, à bord de ce monstre d’acier, ses bastingages qui nous garderont des déroutes. Nous poserons le strict nécessaire de ce que nous avons emmené d’énergie et de bonne humeur et nous garderons le reste pour les jours suivants mais nous n’économiserons pas notre joie, nous ne raboterons pas l’enthousiasme. Nous marcherons pour engranger des souvenirs, pour caresser les comètes dans le sens de la queue, cette traînée de lumière nous portera chance. Nous humerons l’air des grandes aventures. Nous mangerons toutes les promesses. Nous dormirons avec nos fantômes, nous y serons en bonne compagnie. Nous ferons le tour de nos rêves emboîtés les uns dans les autres, nos espoirs gigognes à portée de vue. Nous passerons la nuit à guetter les empreintes de pas, à arpenter les kilomètres qui nous séparent du ciel.
J’ai beaucoup aimé « l’impossible retour », ce qui aurait pu être et l’écriture sur le fil réel, rêve. Et ici la belle façon de décliner faire étape, on s’y retrouve (regret de n’avoir jamais passé la nuit sur un cargo).
Merci Isabelle, tout pareil, le cargo est un genre de fantasme.
te suivre toujours avec aisance et aimer voir se développer en ces trois paragraphes l’idée de halte
plaisir toujours…
Merci Françoise
que c’est bien ces phrases soeurs et dissemblables et ces regards différents sur mêmes instants (ou presque) mais pas mêmes