– Les phares ont été allumés au IXe siècle par des moines qui exerçaient la règle fondamentale de la charité chrétienne.
– Les phares existaient bien avant, depuis le troisième siècle avant Jésus-Christ pour la tour d’Alexandrie devant le delta du Nil ; mais l’allumage donne sa véritable fonction au phare.
– On regrettait que des bateaux, après avoir échappé à tous les dangers du voyage, sombrent à l’entrée du port.
– Les moines sauvent les âmes égarées, les gardiens veillent, les satellites surveillent. Et les bateliers, comme les vaches bien gardées, misent sur leur sûreté.
– Dans le numéro 65 du Chasse-marée, en 1888, on lit le texte de la pétition pour la réhabilitation du phare du Bec de Raz dans le Raz de Sein (Bretagne) : « Si cet éclairage n’est pas rétabli, les bateaux qui se livrent à la pêche de nuit pendant plusieurs mois de l’année vont se trouver dans la fâcheuse alternative de renoncer à ce genre de pêche et à la navigation de nuit, ou de voir un nouveau danger des plus redoutables s’ajouter à ceux qui ne leur font pas défaut dans leur pénible métier ».
– Les bateaux de pêche sortent la nuit, qui assurera leur protection ?
– Depuis les années 1970, les navigateurs utilisent désormais des positionneurs par satellite qui leur donnent en un instant un point exact – à quelques mètres près, est-il cependant précisé. On abandonne la navigation à l’estime, on range le compas et le loch, on efface les quadrilatères sur les cartes.
– On ne voyage pourtant pas l’esprit tranquille. On voudrait aller jusqu’au bout du monde, atteindre la terre de feu. Mais il faut d’abord réaliser des calculs savants. On est prêt à partir mais on sent vite les coins de bois.
– Un homme amoureux des voyages choisit finalement les phares et les balises. Le jour où le vent arrache les fenêtres du phare du Kéréon, où les vagues se fracassent sur les escaliers et où les meubles voguent dans la pièce, il sait qu’il a bien fait.
– On se contente de l’image des vitres qui cèdent sous l’éclat de la tempête, mais on se dit que certains voyages quand même valent plus que d’autres. Le séjour dans un phare est sans doute l’expérience ultime du voyage : dans l’immobilité d’un repère, le décor tangue dans un mouvement incessant.
– La vie au phare, sur un rythme de relèves à deux, s’organise selon l’emploi du temps suivant : « deux semaines au phare, une semaine à terre, une semaine au phare, une semaine à terre, deux semaines au phare etc. Ça permet de varier les couples de gardiens et c’est très important : sans ça on ne pourrait pas durer ».
– La question de la pénibilité du travail revient systématiquement. Il paraît qu’il faut aussi quelques talents d’acrobate : la relève s’effectue grâce à des échelles de corde pour rejoindre un bateau qui tangue sur la haute mer et s’élève à plusieurs mètres parfois sur les vagues.
– Le rythme quotidien est ainsi défini : « quart de 1 heure à 13 heures puis relâche de 13 heures à 19 heures, puis de nouveau quart de 19 heures à 1 heure du matin. Alternativement les journées du gardien sont donc de 18 ou de 6 heures. C’est le gardien de quart qui fait la cuisine. Et parmi les gros travaux figure le ménage complet des lieux, y compris la cire sur les boiseries ».
– On lit dans le Libération du 8 octobre 2000 un texte intitulé « La solitude d’un phare » : « Il veille sur la mer désormais d’un œil vide et blanc. Le phare dit « du plateau des Roches de Douvres » est le plus éloigné des côtes européennes. Situé en Manche, à 40 kilomètres au large de la Bretagne, il n’est plus qu’une haute machine solitaire. Les deux gardiens qui y vivaient en permanence ont définitivement quitté leur observatoire, laissant la place vendredi, à un automate. C’est à présent une lumière télécontrôlée et télécommandée par les Phares et Balises des Côtes-d’Armor qui guidera les bateaux croisant entre les îles anglo-normandes et les côtes du nord de la Bretagne… Il ne reste désormais , au large des côtes françaises, que quatre phares habités : ceux des Sept-Îles, de Kéréon, de l’île Vierge et de Cordouan ».
– On dénonce l’inhumanité des conditions d’exercice. Mais on sait aussi que les instruments automatiques peuvent tomber en panne.
– Le gardien de phare est un gardien de la mer ; il y a du sacré dans cette vocation-là.
mon goût pour les phares m’a conduite vers vous, Olivia, et vers vos fragments rassemblés autour de ce thème
quelque chose de l’ordre de la haute voltige dans ce rôle de gardien qui nous fait frissonner
(pas assez de temps pour aller explorer tout votre carnet de voyage mais ce petit signe, cette trace vers vous…)
Merci Françoise. Mon voyage (déjà double) part dans plusieurs directions… je n’ai pas encore mis en valeur le lien qui les tisserait ensemble. J’aime la cohérence qu’il y a dans le vôtre, l’harmonie d’ensemble dans l’éparpillement des consignes.