Des œuvres d’art que l’on peut admirer sur l’autoroute et d’une réalité non euclidienne.
Je m’arrête sur une aire remarquable de l’autoroute A64. J’ai faim, j’ai soif, je veux user de toutes les commodités que propose ce genre d’endroit. Pourtant, l’œuvre d’art du réseau Vinci, intitulée « la grande boucle », capte d’abord mon attention. On pourrait être n’importe où en France (les montagnes comme un mirage encore au loin), un signe pourtant détourne de l’étape habituelle dans ces non-lieux du monde moderne et invite à la rêverie. Je ne fais pas le plein d’essence. Je force le hors champs géographique pour quitter les quatre voies à grande vitesse et grimper le col mythique du Tourmalet. Je ne bois pas de café. Les huit coureurs métallisés scintillent dans le soleil vif du matin. En danseuse, les mains fermement accrochées au guidon, les bras levés en signe de victoire, comme dans un triangle d’Escher impossible à rejoindre, la boucle temporelle tourne sur elle-même, le vainqueur retrouve celui qui débute à peine l’ascension. Le voyage commence, il est toujours possible.
Je démarre sur la route remarquable du Tourmalet. J’ai faim, j’ai soif, le vélo est un transport peu commode. Pourtant mon attention reste focalisée sur la grande boucle. On est dans un lieu mythique, les étapes en montagne sont le rêve de tous les grands coureurs. J’oublie la souffrance du corps poussé à bout. Hors de mon champ de vision, quelques voitures me frôlent à grande vitesse pour se hisser sans effort en haut du col. Je n’ai plus soif. Les vélos scintillent dans le soleil vif du matin. La route s’ouvre devant moi comme dans un triangle d’Escher, impossible à rejoindre ; je voudrais stopper le tour de manivelle qui me ramène toujours au même point et me dérobe la fin. Sur l’air entêtant d’une boîte à musique, la course recommence éternellement.
J’ai été attiré par l’image, connue, l’écriture, à découvrir, sans doute aussi l’écho personnel d’une grimpée au Tourmalet dans la brume jusqu’au dernier lacet… Est-ce le mélange de tout cela qui nous fait lecteur, lectrice ? En tout cas, bonne gymnastique !