Elle voulait mourir là. Elle voulait rester chez elle pas vraiment chez elle mais comme ci. Elle ne marchait plus. Les étages pesaient sur les genoux, l’appartement d’obstacles provoquait les chutes, la télé en sourdine de nuit, le canapé à forme lourde, là où le drame et les rires, le lieu secret inavoué, là le grincement du vide-ordure abandonné depuis longtemps, les peps acidulés, les clowns sucrés, le plan d’eau entouré d’arbres du balcon soupire, là d’où Julien Clerc bêle l’enfance avalée, là d’où 30 millions d’amis étrenne sa comptine lancinante. L’odeur de lavande chimique dans le couloir. Le lit superposé aux lattes craquées. Les piles de vêtements neufs dans le placard pour le cas où. Les livres qui témoignent les déchus, les marginaux, les prisonniers, les meurtris. La chute de trop transporte le corps à l’hôpital. Elle ne reviendra pas. Il faudra ranger, classer, ordonner, jeter, une existence à la poubelle, à l’Ephad comme si. Rendre l’appartement pour la prochaine famille, interchangeable les lieux pourtant les fantômes gémissent si l’oreille tendue. Elle voudrait mourir. Elle ne reviendra pas. Elle attend. Le corps se tasse, les yeux bleuissent, les mains tremblent. Elle ne rentrera pas. Elle attend . Elle voudrait mourir.
Des corps avancent tu te mêles la raison n’existe pas tu suis souple en lamentations les corps recouvert de couches comme un départ sans retour la route est large et pleine de peau en rythme contenu ils ne se pressent pas il n’y a pas urgence il n’ y a pas fuite pourtant le retour semble hors d’atteinte ils ne prévoient que l’azur devant les corps las les corps lent les corps résignés mais presque légers avancent et tu suis parce que l’obscur parce que le mouvement parce que la suite te donnera forcément raison tu ne peux pas rentrer tu ne peux pas rester tu ne peux qu’avancer la foule grandit au passage des murs fendus une procession étrange sans revendications que celle de l’horizon déchu est-ce un envoûtement une maladie un délire? Ton corps se sait au bon endroit il restera debout maintenu en vie par les autres nœuds serrés poings figés ils ne se trainent pas ils flottent presque au milieu te positionne droit au pas en condition climat l’or sous mer des spectres agissant sur vivant et sous les ponts des corps se réchauffent autour les klaxons et pollution. Des corps avancent sans d’autre but que de survivre à la lumière la raison n’existe pas seuls les réflexes comptent.
oh Jen décidément tu es vraiment très forte <3 !!!
cf. mon petit comm' à l'instant sur ta publication FB, j'ai l'impression d'être entre toi et Lola Lafon à arpenter les rives du temps, à rebrousser chemin sur l'impossible route des souvenirs… merci.
et c'est un enchantement (car il n'y a pas de hasard, n'est-ce pas ?) : j'entreprends depuis quelques jours le recueil de mémoire d'une défunte qui a connu les camps, l'errance et la dureté d'être homo dans cette époque de brutes immondes…
tes mots sont un baume autant que des conseils, merci
Merci pour ces textes émouvants et denses qui prennent encore plus de richesse à les entendre.