Il ne faut pas faire ses courses en ayant faim comme il ne faut pas écrire en état fiévreux.
Un arbre chargé de fruits et le vent. Les fruits de la grâce qui s’offrent dans l’hiver sont plus petits cette année encore par l’absence de l’eau. Et le vent à présent les malmène, brutal, violent. Il les gifle des jours et des nuits durant. L’impuissance face à ces tortures me tourmente. Je suis un immobile complice du vent qui récolte les fruits survivants dans le vague espoir de transformer en douceurs les violences subies. Confiturer les fruits victimes ne rachète pas mon silence.
Dans la ville, bien plus loin, bien plus tard, dans la nuit. A l’angle d’un boulevard célèbre et d’une rue prisée, dans le décor minimaliste d’un magasin de très grand luxe, il n’y a pas de fantômes. Seuls des habits noirs accrochés aux portants dansent avec lenteur au rythme d’un souffle discret. Comme si un vent devenu subtil se faufile là pour alimenter mes peurs.
Si on fait ses courses en ayant faim, on peut acheter les pires choses immangeables. Si l’on écrit en état fiévreux, on finit par croire que le vent vous poursuit et qu’il n’y a nulle part où aller pour lui échapper. On finit aussi par se cacher sous un escalier comme une personne non-humaine effrayée par les humains qui l’emprisonnent là.
Le vent est grand voyageur il peut changer de noms et de caps il file glane bouscule attise dévaste… les fruits de la grâce et les habits noirs , un jardin, une ville la nuit et le vent qui voyage… écrire avec la peur au vent sous un escalier donne de jolis voyages immobiles
avec mon compagnon non-humain sous l’escalier tremblant en écoutant le vent, je ris un peu en lui parlant des costumes noirs qu’il faisait danser et je crois l’amadouer ce brutal un peu en en faisant un allié inviolontaire
Merci Nathalie, merci Brigitte de vos passage en ces courants d’air. Pas moins peur, mais moins seul. Merci surtout de vos écritures, si fortes toujours.