J’étais à Eungam, populaire et excentrée. Dans ses troquets on sert du samgyeopsal à de frêles étudiants qui descendent le soju en se frappant le torse, visages fripés.
J’étais à Manille où sévit chaque jour l’artifice pétardant des jeepneys-reines.
J’étais à Banaue, l’endormie de la cordillère, dont les routes sont rougies du moma craché par mille bouches.
J’étais à Campulo qu’un simple virus pourrait effacer de nos cartes.
J’étais à la frontière qu’on ne trace pas mais qu’on défend en vain.
Je suis à Hachioji qu’on croirait proche de Fuji mais s’en éloigne d’autant que s’approche Takao.
Je suis à Sapporo. La neige gagne les côtes et veut s’enfoncer dans la mer qui la repousse. Ici, pas de virus.
A l’heure de St Pierre, les rues vidées ne connaissent pas la foule.
A l’heure de Roscoff, pâles lueurs sous la bruine qui bleuie la verte mer.
A l’heure de Batad, 2000 ans de rizières bâties à flanc de montagne par des mains humaines.
A l’heure du sommet de Fuji qui surplombe la capitale et de la chaussure gelée, laissée par l’homme qui a glissé.
A celle de Semnoz d’où l’on voit le dos courbe du Mont Blanc rosir au matin.