La place est déserte, à peine éclairée par les rayons de lune balayés par les nuages. Il attend. Il ne connaît rien de l’endroit. Ces pas résonnent sur les pavés disjoints. Minuit sonne.
Les fenêtres qui donnent sur la place sont toutes éteintes, les commerces et même le café fermés. Pas tant qu’il s’attende à trouver autre chose dans un tel lieu, à une telle heure. Mais habitué à la ville qui ne dort jamais, le décalage est flagrant, sans compter le décalage horaire. Une douce brise caresse son visage enfiévré par la remémoration de ce coup de fil. Pourquoi tant de mystère, quel est ce secret qu’on doit lui révéler ce soir ? Il entend le bruissement des feuilles des peupliers qui l’entourent pensant tout bêtement à cette phrase : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Dans ce silence étrange qui lui fait penser à celui d’un plateau avant le « moteur ! », il entend de façon amplifiée les battements de son cœur. Les petites maisons de pierre tout autour de la place – comme autant de visages d’une foule fantôme, semblent se pencher sur lui et prêter l’oreille à tout bruit qu’il fait, toute parole qu’il prononce… Et il se rend compte qu’il marmonne, qu’il parle à voix haute exprimant toutes ses pensées. Même la fontaine est muette, il ne peut s’y désaltérer. Sa gorge devient de plus en plus sèche à mesure qu’il sent le temps passer. En scrutant à nouveau l’obscurité, il remarque un rai de lumière sous une porte immense, il lève les yeux et remarque enfin le clocher de l’église qui est là et qu’il ne voit que grâce à la lune qui se dévoile à nouveau après un passage nuageux. S’est-il trompé de lieu, de jour ou d’heure, quelle est-elle ? Il s’approche de la porte éclairée, l’entrebâille pour regarder sa montre : il n’est que minuit deux.
Il n’ose pas s’aventurer plus loin dans l’exploration des lieux, de façon à ne pas quitter des yeux le point de rendez-vous. Mais il devine désormais la grille sur le côté de l’église qui donne sûrement sur le petit cimetière… Un hibou hulule dans la forêt, pas si lointaine, et il entend monter le grésillement des bruits de la nuit, tous les insectes, oiseaux et autres habitants de ce territoire jamais totalement endormi. Il reste là, à la lisière entre la place et l’édifice, et décide de s’allumer une cigarette. Il a l’impression que tous ses gestes sont au ralenti, tout engourdi qu’il est par la crispation de l’attente. Un moment étourdi par la première bouffée, il referme la porte et se dirige vers le bord de la fontaine pour s’y poser. Le bourdonnement reprend à ses oreilles. Son cœur qui bat vite, qui bat fort. Alors, il lève les yeux au ciel, maintenant tout à fait dégagé et observe les étoiles : tous pris par cette contemplation il s’allonge complètement sur le rebord de la fontaine et se laisse embarquer par le scintillement de ces astres lointains ; et, bercé par le grésillement de la nature qui l’entoure, comme une radio qui tourne en bruit de fond, il s’endort.
J’adore le titre! Grande buveuse de Duval et autres poèmes… De beaux passages-nuit qui pourraient être un peu allégés dans les détails pour donner encore plus de force au texte? Mais l’atmosphère est là. Merci.
Merci !
Envie de le suivre…
Merci !