Le crépi. Très abrasif. Il vous lacère à coup sûr. Ne pas s’y frotter. Il n’y a pas de panneau « attention crépi dangereux », des panneaux pour tout et n’importe quoi et pas pour ça. Pourtant si on n’y prête pas garde, c’est le bras entier qui est lacéré. Le modelé est régulier, on perçoit le geste de l’ouvrier qui l’a déposé. On voit la taloche dans sa main, la boule de crépi prête à être déposée. La main au bout d’un bras musclé au teint mat. L’instant d’avant il s’est baissé pour en prendre sur son outil. Avec une autre taloche, il a constitué cette boule blanche, grumeleuse qu’il va déposer sur le mur. Quelques instants, il se redresse, il regarde la vue, magnifique, l’élégance de la roche, la forme douce des éboulements recouverts de végétations. Il reprend ses esprits, il doit finir se mur. Il écrase la boule sur le mur, ses gestes sont sûrs d’eux. Il recule d’un pas, quelques coups de taloche, le mètre carré de mur lui convient. On ne voit plus la maçonnerie en dessous, il n’y a pas de ligne, du travail maîtrisé. Il recommence, d’ici quelques dizaines de minutes il aura fini ce mur. Il a du temps, il pourra enchaîner sur l’autre côté. Il fait chaud, il n’y a pas d’ombre. Lorsqu’il se perd dans les détails du crépis, il voit un désert vu du ciel, pas un désert de sable, une désert de pierre, une terre autrefois fertile abandonnée par la vie. Il habitait dans un endroit comme cela. Il y a avait du bleu et du beige et peu d’autres couleurs. Des gens seront en vacances ici lorsque tout sera terminé, ils auront de la chance, la vue est magnifique. Ils ne feront pas attention à ce morceau de mur, à ce crépi posé avec soin, encore moins à celui qui a déposé ce crépi.