De nos jours une grande porte cochère s’insère dans la façade de plâtre blanc entre pans de pierres nues, portant à droite le numéro 5, à gauche le numéro 7… de nos jours, et peut-être depuis l’origine, puisque, malgré l’unité créée par cette peau d’un blanc uni, malgré la parenté, due sans doute à des dates de construction assez proches, entre les volutes des ferronneries des quatre balcons s’alignant à gauche et au dessus de la porte et de celles des fenêtres solitaires superposées, avec des hauteurs sous plafond visiblement différentes et un entresol, à droite – donc au 7 –, il est assez peu vraisemblable qu’une porte ait existé sous le balcon dudit entresol, là où s’ouvre une boutique (beaux stylos et accessoires, pour ceux qui utilisent encore l’écriture manuscrite parmi les successeurs du jeune Charles Baudelaire que je cherche ici, du Charles de 25 ans encore très jeune même s’il est entré désormais dans la période des finances contraintes) . Je n’y avais jamais prêté attention, n’ayant pas franchi cette porte, ne connaissant personne dans ce ou ces immeubles, même si j’ai assez souvent suivi la rue Tournon jusqu’à la minuscule place, qui porterait si mal maintenant ce nom qui était le sien autrefois de Pré-crotté, détail qui me réjouit et que je viens de découvrir, pataugeant sur internet en cherchant une explication à la double immatriculation de la grande porte bleu sombre avant de penser à demander l’aide, faute de pouvoir voleter au dessus du quartier, à la photo satellitaire de Google Maps, découvrant ainsi le toit de tuile du 7 qui, perpendiculairement à la rue, s’ouvre sur la cour commune. Ayant franchi la barrière du code en me faufilant derrière un jeune couple, je reste plantée devant l’immeuble, balayant des yeux ses fenêtres, sans vraiment les regarder, incapable que je suis de situer celle ou celles qui éclairaient le logement du jeune fondateur du Salut Public – gazette d’assez courte vie, dans lequel Gustave Courbet publiera un dessin des barricades auxquels ils ont tous deux participé – le jeune critique d’art et journaliste aux mœurs réprouvées par les sages pères de famille, l’encore jeune homme au grand front et à la petite bouche tel qu’il s’est représenté en 1848, le poète encore inédit, celui qui vient de faire paraître sa première traduction d’une histoire d’Edgar Poe, celui qui aurait fait rêver en frissonnant une jeune bourgeoise, ma possible ancêtre, si elle avait pu entendre parler de lui…. perdue dans le murmure des siècles qui chante en moi, je sors de la cour où je n’ai pas su deviner sa présence, pas davantage que celle de Léon Gambetta qui vécut là dix ans plus tard et, traversant la rue Saint Sulpice, descendant la rue de Seine, je secoue cette inepte, récente et fausse érudition et cherche dans ma mémoire défaillante dans quel texte, poème ou autre, s’invite le bruit que font les branches en tombant devant la cheminée pour le réchauffer, avant de pouvoir ouvrir un livre, lire, retrouver l’essentiel, son écriture.