Jeudi 27 septembre 2012
Écrire tous les jours. Jamais sans un jour. Sans une ligne. Au moins une par jour. C’est dans ce rythme que s’installe l’écriture. Dans ce temps, au creux duquel on tente de trouver le temps. Je lis cette phrase inquiétante : Aux États-Unis 40 % des foyers dont le chef de famille est âgé de moins de 35 ans – un record – est débiteur. Ce qui nous pousse à écrire. Ce qui pousse dans ce qu’on écrit à aller plus loin, à creuser plus loin. Depuis 2007, la part de la dette a augmenté dans les dépenses de tous les foyers, quelle que soit sa composition sociale, par l’effet combiné d’une charge plus lourde et de revenus en baisse. Des paroles et des actes. Je passe d’un sujet l’autre. Personne ne revient jamais vraiment de son enfance. Cette phrase m’obsède. Je n’arrive pas à me souvenir tout de suite d’où elle vient. Son origine. Et son sens s’en trouve donc perturbé transformé, dans l’attente. « Une espèce d’avatar d’un système monstrueux » de « colonisation par l’argent ». Je lis les textes sans comprendre immédiatement le sens de ce qui est écrit. Les lettres noir sur blanc. L’impression que ce qui se déroule au loin, sans moi, me chasse du réel, m’en interdit l’accès. Alep, capitale économique longtemps restée à l’écart de la contestation, est le théâtre d’une bataille acharnée depuis plus de deux mois. Je suis perdu dans un monde qui ne m’accepte plus. Dont le sens, le sens des mots que j’entends aux informations, mais surtout ceux que je lis encore, me sont devenus incompréhensibles. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a assuré ne pas vouloir « boucher les trous » des finances publiques par une augmentation de la TVA ou de la CSG et a annoncé un effort fiscal « réel » mais « juste ». Je répète les derniers mots plusieurs fois de suite à voix haute pour tenter d’en comprendre le sens de l’intérieur. « Le coût du travail n’est pas un sujet tabou », a-t-il lancé, mais « mais limiter la compétitivité de nos entreprises à la seule question du coût du travail, c’est une fausse réponse, ce n’est pas une réponse digne. Il est juste, le choix fiscal que nous faisons ». Sans oublier que ce qui fait le succès d’une série, au-delà de l’aspect purement financier, ce sont avant tout ses personnages et son écriture. Les informations du jour envahissent de plus en plus l’espace de ma réflexion. « C’est un bras de fer difficile qui s’engage. » Je ne veux pas me laisser envahir par ces mots creux. Ces mots dénués de sens. Je ne veux pas que ces mots entre aussi facilement dans mon quotidien, viennent me dire ce que je dois penser, dire, aimer. Ni comment, ni pourquoi. « Ce que je demande aux membres de mon gouvernement, c’est d’être solidaires de ce que décide ce gouvernement. » Je ne veux pas qu’il s’impose à moi et me force à le suivre. Je ne veux même plus les écouter. Ces mots contaminent les miens. Le périphérique parisien a une forte capacité de nuisance sur ses voisins. La nuisance des mots est aussi forte. Je tente de revenir à la phrase qui m’entête : Personne ne revient jamais vraiment de son enfance. D’en retrouver l’origine. Je lutte contre le flot infini d’information, de nouvelles, de discours, de déclarations. Pour obtenir une « réduction suffisante » des nuisances, « il faut cumuler plusieurs actions, il n’y a pas de solutions miracles. » Je m’en approche soudain. Ce jour-là, Thomas Vinau avait écrit sur son blog : « La journée a gardé la forme de la nuit. La nuit a enfanté le jour. Et le jour a gardé la forme de ses cuisses. De son ventre. De son trou. Le jour est une empreinte. Une trace dans la glaise. Le jour est une piste. Mais c’est la nuit qui marche. C’est elle qui avance. C’est elle qui allaite. Et qui montre les crocs. Et qui nettoie la cage. Le jour n’en revient jamais vraiment. Puisque personne ne revient jamais vraiment de son enfance. » J’avais gardé la dernière phrase de ce texte, prélevée dans son poème pour l’adjoindre au mien. « Nous manquons surtout, comme partout, de lits dans l’hôpital ou à l’extérieur », détaille le médecin. Je retiens la dernière phrase pour mon projet d’écriture au quotidien. Chaque jour je diffuse en ligne sur le blog Planche-contact une de mes photos, associée à un court texte trouvé sur les sites que je lis chaque jour en ligne. La ligne de front serpente au cœur de la ville et les deux camps sont engagés dans une guérilla où les tireurs embusqués jouent un rôle important. « Se souvenir, avec Georges Perec, dans Espèces d’espaces, qu’un « journal » est une unité de surface : c’est la superficie qu’un ouvrier agricole peut labourer en une journée. » La Commission européenne sera contrainte de décider seule et elle n’aura d’autre choix que de se prononcer en faveur de l’autorisation du MIR 162, car l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments estime qu’il ne présente aucun risque pour la santé. Il s’agit d’abord de garantir la compatibilité (l’interopérabilité) des services « en nuage », pour que les données y circulent librement, à partir de normes établies d’ici 2013. L’image du jour est celle de sacs de chantiers abandonnés dans un passage couvert du 11ème arrondissement. « En conséquence, les temps d’attente aux urgences s’allongent et la prise en charge des malades n’est plus satisfaisante ». Je sais que j’y reviendrais. Il me faudra raconter ce que ces sacs provoquent en moi. L’informatique « en nuage » pose également la question du droit d’auteur. Je n’abandonne pas, malgré la confusion. Il faut poursuivre au jour le jour. Tenter d’y voir plus clair en écrivant. Selon nos informations, les syndicats comptent poursuivre leurs actions. Moi aussi.
Vendredi 27 septembre 2013
Tout a commencé avec ce léger décalage. Les heures, les jours passent. On tente vainement d’en arrêter le flux. Tout va trop vite. On fait semblant de pouvoir contrôler ce rythme qui bat en nous, et tout ce qui, à l’extérieur, nous assaille, nous submerge, nous envahit de ses images, ses couleurs et ses bruits. Internet n’est pas un large réseau unique mais un maillage de millions de réseaux. Ce jour là, je m’en souviens encore avec précision, je devais retrouver Caroline et manger avec elle non loin de son travail. J’ai pris une photo. Deux jours après le passage aux aveux de la mère et du beau-père de Fiona, le corps de la fillette de 5 ans reste toujours introuvable. Les recherches ont été suspendues en fin de journée, vendredi, alors que les policiers avaient passé plusieurs heures à ratisser une zone forestière du secteur de La Cassière, un hameau d’Aydat, au sud de Clermont-Ferrand. Selon le parquet, de nouvelles recherches ne sont pas prévues dans l’immédiat. Je ne sais plus si c’est avant ou après le rendez-vous, ça ne change rien à tout dire, c’était dans le recoin d’un passage ouvert exceptionnellement, la grille en fer n’avait pas été fermée comme à son habitude, et c’est pourquoi j’avais pu entrer et prendre cette photo. Et c’est en regardant longtemps après la photo, les photographies ont ce pouvoir, les mots aussi parfois, que j’ai saisi quelque chose comme un secret dans cet instant là qui n’avait rien de particulier, dans ce lieu ordinaire. En chantier. Près de 17 000 personnes vivent dans près de 400 bidonvilles en France. Écrire, c’est recreuser souvent les mêmes sillons. Pour ses 15 ans, Google présente son nouvel algorithme. Je n’écris sur cette photographie qu’un an plus tard, jour pour jour, mon site indique bien la date, je ne peux pas me tromper. Sans doute l‘ai-je fait exprès même si je ne me souviens plus du tout ce qui explique cela. La coïncidence est étonnante en tous cas. Le pouvoir, qui refuse de reconnaître les demandes des manifestants, a de nouveau coupé l’accès à Internet, vendredi, pour tenter d’empêcher les militants de communiquer sur les lieux des manifestations. Le moteur devrait mieux répondre aux recherches formulées en question, une tendance jugée porteuse sur mobile. Le titre du texte est le suivant : Les interstices du silence. Le groupe islamiste nigérian Ansaru a diffusé une vidéo de l’otage français Francis Collomp, enlevé le 19 décembre 2012 dans le nord du Nigeria. Avec des conséquences économiques pour « le monde entier ». Je reste au bord du temps. Comme en équilibre sur la margelle d’un puits. Les passants me dépassent, me frôlent, ils me dévisagent ou m’ignorent, mais je sens leur présence pressée, le rythme de leur pas comme s’il s’agissait d’un pouls, leurs corps à contre-jour. Il y en a qui parlent tout seuls, et je crois toujours qu’ils s’adressent à moi. Marcher dans la rue, à force ne plus rien voir que là où l’on va, la destination choisie. Avancer en regardant droit devant soi, avec un but précis c’est à coup sûr, ne pas prendre de risque, ni détours, ni surprise. Au-delà des désirs et des malentendus. Aucune invention, plutôt l’inventaire évanescent des rencontres évitées ou ratées. Un homme non identifié portant une arme se tient derrière lui pendant qu’il lit un texte. Depuis vingt-cinq ans, la politique française consistait à refuser officiellement toute négociation avec les ravisseurs. On pourrait continuer d’avancer ainsi chacun de son côté, suivre son chemin dans l’indifférence feinte, mais on préfère ouvrir une parenthèse. Celle de réalités parallèles qui se croisent à peine. Le studio King, la société qui détient Candy Crush, jeu le plus populaire sur Facebook, prévoit d’entrer en Bourse aux États-Unis. Alors que le groupe d’experts sur le climat a publié un nouveau rapport alarmant, le climatologue Hervé Le Treut juge ses conclusions « les plus factuelles possibles ». On préfère commencer à vivre. L’eau est un luxe dans les zones sahéliennes, mais fait aussi défaut dans les zones urbaines africaines. « Les nids ne sont pas conformes, les raccourcisseurs de griffes inadaptés et aucun dispositif pour le picotage et le grattage n’est installé, certaines poules n’ont plus que quelques plumes sur le corps, et des cadavres en décomposition avancée bloquent des œufs ». Entrer dans une cours pour arrêter le flot des passants croisés sur le trottoir, dans ce flux, le flou de leurs visages entr’aperçus, et prendre le temps d’une pause. La grille est ouverte, c’est une invitation à pénétrer dans cet endroit d’habitude fermé aux visiteurs. Le lieu est en chantier, un ouvrier a sans doute eu besoin de laisser la porte ouverte pour ne pas ralentir son travail d’aller-retour, par un arrêt répété et fastidieux devant la lourde grille. L’ombre portée de celle-ci quadrille le mur de son plan versatile. De l’autre côté des choses. L’histoire d’une ouverture. Google ne s’étant pas mis en conformité avec la loi française concernant sa politique de confidentialité. En face, les forces de police ont fait usage de grenades lacrymogènes pour tenter de disperser la foule. Il faut tourner la page. Changer de trottoir, marcher en fermant les yeux, tourner à droite quand tout nous indique de tourner à gauche. Ne pas craindre les contradictions. Ne plus rien éviter. Entrer dans ce passage où rien ne nous invite comme on pénètre dans un paysage inconnu : à corps perdu. Nous y sommes. La déflagration aurait été causée par la manipulation d’une cuve de fuel dans le sous-sol d’un immeuble de trois étages, dont une partie du rez-de-chaussée s’est effondrée. Un bilan officiel fait état d’au moins 29 morts depuis le début des manifestations, inspirées des slogans du « printemps arabe ». Et trouver un trésor inattendu, dans un recoin d’ombre et de lumière, leur dialogue fécond, trois sacs posés au sol, leur pesant de gravats. Mais c’est tout autre chose qu’on imagine à l’intérieur, de plus intime et secret. Peut-être qu’ici, dans ce recoin, tout est sursis. Comme la mémoire. L’ombre du passage s’allonge vers le bas et masque l’ensemble. L’impression d’un enfant qui trouve un objet de valeur dont personne ne soupçonne l’existence en ce lieu, cette cachette, pourtant là devant ses yeux. L’enfant se faisait vomir pour imiter les nausées de sa mère, enceinte. Berkane Maklouf aurait donné une fessée à l’enfant avant de l’envoyer au lit. Fiona aurait été découverte morte le lendemain, étouffée par ses vomissures. La Banque africaine de développement a obtenu de 27 pays 7,3 milliards de dollars pour épauler les pays africains les plus démunis durant la période 2014-2016 et raccorder des millions de personnes à l’électricité ou à l’eau potable. Une impasse conduirait à la fermeture de tous les parcs et musées du pays, et à la réduction au minimum vital des effectifs des administrations. Même le Pentagone serait affecté. Tout ça comble le vide des jours gris, des lignes droites. Bien sûr, impossible de rester très longtemps dans ce passage couvert, on ne fait que passer, ombre éphémère qui s’efface déjà, se déplace sensiblement avant de disparaître sous une autre forme. Les victimes travaillaient sur le chantier. Les sauveteurs, à l’aide de chiens, recherchaient toujours les décombres à la recherche de la dernière personne portée disparue. Une pensée en somme. Le retour d’expérience de ces changements « tend à mettre en évidence les avantages des nouvelles dispositions de confort, mais également plusieurs inconvénients ayant un effet contraire au bien-être animal recherché ». Comme tout ce qui n’appartient qu’au temps. Les mots que l’on tait, que l’on garde en soi comme dans un coffre. La nuit comme le jour. En construction.
Samedi 27 septembre 2014
Je me rends compte que chaque jour il faut gagner du temps sur le temps pour parvenir à écrire, pour continuer à écrire. Même chose pour prendre des photos ou réaliser une vidéo. Cela ne se fait pas dans le même temps, c’est un moment dissocié, qui s’inscrit et se développe en marge. Il faut l’anticiper, le préparer, l’accepter également. En un mot l’accueillir. L’épidémie de fièvre hémorragique Ebola a franchi le cap des 3 000 morts, soit près de la moitié des quelque 6 500 personnes infectées. « Cette guerre ne se terminera pas en quelques mois, ou en une année, ou en des années, elle pourra durer des décennies », a mis en garde Abou Firas Al-Souri. Je cherche des ouvertures et des béances dans les images du dehors. Les États-Unis avaient affirmé avoir frappé mardi en Syrie un dangereux groupe dénommé Khorasan. Éclectique, marginal, touche à tout. « Je me trouvais un peu dans la situation d’un adolescent amoureux des fleurs que l’on fait du jour au lendemain coursier chez Interflora. » Je cherche ce qui s’y effrite et s’y décompose. Le projet exaspère les médecins, et cristallise un ras-le-bol aux causes plus larges. « La littérature, écrit Pierre Michon, est ce lieu où l’on redouble nos pertes pour mieux nous en affranchir. » Entre 13 000 et 30 000 manifestants sont descendus dans Nantes pour demander la « réunification » bretonne : le retour de la Loire-Atlantique en Bretagne. Les civils n’ont jamais été ciblés, a juré Radovan Karadzic, « les balles étaient trop chères, il y avait pénurie. » C’est la nuit. Alice est invitée à une soirée chez des amis, je vais la chercher pour rentrer avec elle de sa soirée qui se déroule près de la place du Châtelet. Officiellement, ils n’existent pas. Le Front national serait le seul parti en France où les courants de pensée sont absents du débat interne. « Nous avons une force : nous sommes très unis, même idéologiquement, assure ainsi Florian Philippot, le numéro deux du parti. La force du FN est de ne pas être dans des querelles de chapelles. Il n’y a aucun avantage à aller dans la voie des motions, des courants. C’est le principe même des partis qui se cherchent. Ça ne mène à rien. » J’arrive un peu plus tôt pour prendre quelques photos et filmer une courte scène nocturne. Profiter de l’instant d’avant. Garder une trace. Une marque. De nouveaux heurts ont opposé, samedi, les forces yéménites aux rebelles chiites contrôlant la quasi-totalité de la capitale, où une attaque à la roquette près de l’ambassade américaine est venue ajouter à la confusion qui règne à Sanaa depuis près d’une semaine. « Nous n’avons pas envie de nous engager. Nous n’avons pas l’esprit de sacrifice. Nous n’avons pas le sentiment du devoir. Nous n’avons pas le respect des cadavres. Nous voulons vivre. Est-ce si difficile ? Le monde sera bientôt aux mains des polices secrètes et des directeurs de conscience. Tout sera engagé. Tout servira. Mais nous ? nous ne voulons servir à rien. » Créer cet instant dans l’instant. Le creuser comme on creuse un sillon. Solitaire. Sans but immédiat. Sans intention précise. Une utilisation concrète. Un désir et une quête de vérité. Les grèves, sous forme de fermeture de cabinets médicaux, sont plutôt rares. Miser sur le noir. Se laisser séduire par le prestige de ces différents noirs qui dominent l’horizon imaginaire, en parcourir toutes les occurrences. Et même à aller bien au-delà. De nouveaux heurts ont opposé les forces yéménites aux rebelles chiites contrôlant la quasi-totalité de la capitale, où une attaque à la roquette près de l’ambassade américaine est venue ajouter à la confusion qui règne à Sanaa depuis près d’une semaine. Ils nient aussi avoir pris part à des combats avec des groupes djihadistes tels que l’organisation État islamique (EI). « Ils se sont aperçus là-bas que ce n’était pas ce qu’ils pensaient et ont dû prendre la fuite pour rentrer. Ces prises de position interviennent quelques jours après le référendum en Écosse et le jour même où le président de la Catalogne a convoqué un référendum le 9 novembre sur l’indépendance de cette riche région du nord de l’Espagne. Une avancée vers des ténèbres dont on ne mesure pas encore la profondeur mais dont on connaît déjà le vertige. La pente de la rêverie nous entraîne vers une nuit sans fin. Sans sommeil. Dans l’immense obstacle à lumières, éclaboussé de clartés, avancer dans l’ivresse du mouvement sans jamais revenir en arrière. Emporté dans un maelström trouble et affolant. L’esprit est en proie à de folles alternances, dans un ballottement sans fin du oui et du non, traversé d’impulsions violentes, dangereuses, jusqu’à ce qu’enfin le produit s’épuisant dans le corps, il regagne peu à peu la maîtrise des choses. « Nous n’avons aucune raison de penser que l’ambassade américaine ait été ciblée. La chancellerie n’a pas été touchée. » Tout semble s’y jouer entre deux nuits, dans une scène aussi vide et obscure que la chambre noire d’un système optique, où la lumière ne peut surgir que de l’intensité de leur affrontement. Une porte d’entrée. Reste à la passer. « Faire confiance à de nouveaux visages, renouveler nos méthodes de travail et de communication pour donner au Sénat une nouvelle image et mieux faire entendre notre voix ». Pourtant, la réalité semble plus complexe.
Dimanche 27 septembre 2015
Changer le monde, c’est « faire disparaître de nombreux problèmes. » Les jours se répètent mais ce n’est pas toujours le même jour de la semaine. Le 27 septembre ne tombe jamais le même jour, ou presque. Et ce n’est pas anodin. Le dimanche ne ressemble pas au mercredi. Le lundi n’a rien à voir avec le samedi. Lorsque je ne travaillais pas le samedi, le lundi ne ressemblait pas au lundi actuel qui s’est transformé en dimanche. Le vendredi est différent que l’on travaille ou non le lendemain. Le Brésil promet d’éradiquer la déforestation illégale en Amazonie. Mais c’est le sujet de la déforestation, principal fléau climatique du Brésil (les arbres étant un puits de carbone), que scrutent les experts. Au cours des quarante dernières années, 763 000 km² de forêt amazonienne ont été détruits. « L’équivalent de 184 millions de terrains de football rasés ou deux fois la superficie de l’Allemagne ». Quand on travaille, le temps qu’on peut consacrer au travail d’écriture et de création est réduit. Ce jour-là est un dimanche, mais un dimanche où je travaille. Éviter la monotonie du quotidien, ce serait peut-être cela la solution. Changer sans cesse de pied pour ne pas sombrer dans la routine. Le congrès doit se transformer en happening politique et bouillonner des débats de fond que le Labour a évacués ces dernières années. Pour contenir la fronde des élus, le nouveau leader devrait donner davantage de pouvoir aux adhérents du parti, voire aux simples sympathisants qui ont voté pour lui via Internet. Jeremy Corbyn, le nouveau leader travailliste, totalement inconnu et marginal il y a trois mois, entend transformer un parti d’opposition centriste dirigé par ses parlementaires en un mouvement de masse contre la politique d’austérité du gouvernement de David Cameron. Chaque personne est un personnage. À mesure qu’on le suit, l’histoire qu’il raconte entre en interaction avec les autres personnages que l’on suit (et ceux que l’on ne suit pas) prend forme, avance, se construit progressivement. Le président François Hollande a précisé, à New York, que l’aviation française avait mené, dimanche matin, des frappes contre un camp d’entraînement de l’État islamique (EI) proche de la localité de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, qui menaçait « la sécurité de notre pays ». Une histoire de trajectoire, de trajets individuels, chacun part de chez lui, les trajectoires vont se croiser, se nouer, se dénouer. Sauf que non, les trajectoires partent de plus loin, et elles sont aveugles. Tous parlent, bien sûr, ils tiennent tous leur rôle, ce ne sont pas des rôles d’ailleurs, ce sont des vies, mais tous ne sont pas les narrateurs de ce texte. Google se sert-il d’Android pour privilégier ses propres services au détriment de ceux de la concurrence ? C’est la question que se pose l’autorité américaine de la concurrence à propos du système d’exploitation pour téléphone mobile du géant de l’Internet. Un texte à plusieurs voix qui se relayent, inégalement, sans autre ordre que la nécessité du récit, la force d’inertie du récit, lancé comme le destin qui échappe à chacun. Le président indépendantiste sortant Artur Mas a revendiqué la victoire, en lançant : « Le oui l’a emporté, mais c’est aussi la démocratie qui a gagné. Nous avons un mandat démocratique » a clamé le président sortant du gouvernement régional. Cet atelier pour Le Monde Festival propose d’utiliser le réseau social à des fins de création littéraire. À la question comment imaginez-vous le monde qui change ? nous essaierons de répondre collectivement, en partant à la découverte de la ville à livre ouvert. « Au-delà de son caractère jovial, il a créé une immense déception, juge-t-il. Là où il faudrait vouloir, il ne veut pas. Là où il faudrait pouvoir, il ne peut pas. Et de cette absence de vouloir et de pouvoir, il en a fait un système, qu’il théorise. Il y a, dans la stagnation du pays, une responsabilité personnelle de François Hollande. » Peut-on marcher en ville comme entre les pages d’un livre ? Qu’est-ce que le web change à notre manière de lire et d’écrire la ville ? « Une chose que je dis toujours à mes équipes : quelles que soient les difficultés d’un projet, vous ne pourrez pas les éviter. Mais vous aurez toujours une solution pour les résoudre, d’une manière ou d’une autre. Et pour choisir la meilleure voie, il faut prendre la solution où le potentiel d’apprentissage est plus important ». Si vous êtes ici où êtes-vous lorsque vous êtes ailleurs ? Reconnaissant que « ce pays a le paradoxe de surinvestir la chose publique et de la critiquer en même temps », il s’est toutefois prononcé pour « une culture de l’évaluation et du suivi » pour l’action politique. Raconter la ville sous tous les angles et avec tous les tons et les sons possibles, dans une tentative d’épuisement du lieu, en composant un texte polyphonique à la forme éclatée. « Il faut rénover la pensée profonde de la gauche, a martelé le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, j’ai rarement vu des gens aller au bout du bovarysme parlementaire. » Les participants à l’atelier du jour font tous remonter la même remarque à l’issue de l’expérience. L’avenir de la Syrie ne peut pas passer par Bachar Al-Assad. Difficile de marcher dans la rue, sans que la ville et ses nombreuses sollicitations, son rythme trépidant, ses bruits assourdissants ne nous distraient pas. Google se retrouverait ainsi dans une situation comparable à celle de Microsoft à la fin des années 1990. Le groupe de Redmond (État de Washington) avait profité de la domination de Windows sur le marché des ordinateurs pour imposer son système de navigation, Internet Explorer. L’information au quotidien produit le même trouble, le même malaise passager qui empêche de profiter du temps qui passe. Le leader mondial des logiciels avait dû négocier avec les autorités de la concurrence pour mettre fin aux poursuites. Tout s’accélère, nous empêchant de voir et d’écrire en même temps, de penser et de rêver. Fini le pied sur l’embrayage. Partout dans le monde, la transmission automatique progresse. L’expérience vire à l’épreuve. Les bribes de texte écrit en mouvement sur la place de la Bastille, diffusés en direct sur les réseaux sociaux, participent à la confusion, au chaos qui progresse en ligne. Le ministre de l’économie est parfaitement conscient de l’état déplorable des gares routières. Il faudrait trouver des solutions pour ralentir le mouvement. Tendre vers le surplace, le ralenti, plutôt que courir en tous sens comme des électrons libres, sans distance ni recul sur le réel qu’on ne parvient plus en l’état à décrire, à mettre en perspective ou juste à le regarder un instant. Il a promis, pour la fin de l’année, une ordonnance qui définira « le cadre dans lequel elles se développeront ». C’est le réel qui nous enferme dans la violence de son mouvement de plus en plus rapide.
Mardi 27 septembre 2016
Des projets comme ceux là tu en fais si souvent. Ceux qui parviennent à aboutir ne sont pas rares, mais ils prennent toujours du temps et des détours. Quand on suit l’actualité, on se rend compte qu’il en est de même. L’actualité se concentre sur l’événement, avec le temps, le fil tendu entre les événements nous raconte une histoire différente. C’est un autre récit qui se dessine, ne retenant finalement que quelques faits par rapport aux milliers d’événements quotidiens qui emplissent les journaux. Un mauvais résultat que le gouvernement a tenté d’expliquer par des éléments extérieurs, tandis que l’opposition y voit l’échec de sa politique. Qui dit vrai ? Répéter à trente-huit reprises le mot « pouvoir » dans un speech de quelques minutes visait clairement à enfoncer le clou : « Nous ne pouvons changer les choses que si le Labour est au pouvoir », a-t-il déclaré. Et lorsqu’il a lancé sa chute – « il est temps que nous remettions le Labour au pouvoir ! » –, la majorité des délégués s’est levée pour l’applaudir chaleureusement. En retournant sur les lieux du tournage des 400 coups dans le 9ème arrondissement de Paris, je retrouve les rues du quartier dans lequel François Truffaut a passé sa jeunesse. Dans un immeubles de la rue Henry-Monnier, une plaque a été apposé : François Truffaut (1932-1984), cinéaste, passa son enfance dans cet immeuble et tourna dans ce quartier son premier long métrage Les 400 coups. Après cette promenade, l’idée entêtante de mener à bien un vaste projet sur la nouvelle vague à Paris, en retrouvant l’ensemble des lieux de tournage et voir comment ce décor in situ a pu évoluer avec le temps. La ville évolue, mais le films également. La société du Paris de l’époque n’est plus celle d’aujourd’hui même si certains quartiers sont restés identiques. Le candidat républicain est un phénomène aux conséquences imprévisibles. Si l’on peut parier sur sa victoire, il est en revanche impossible de s’assurer contre la folie des décisions politiques qu’il pourrait prendre. S’attaquer à la pénurie de logements abordables, améliorer la qualité de l’air, travailler à l’intégration des étrangers et des minorités, etc. Au contraire, lorsque le Labour est écarté du pouvoir, on a « une campagne référendaire sur l’Union européenne éprouvante et clivante », des résidents européens pris en otage du débat sur le Brexit, et des agressions xénophobes qui se multiplient. « Ce résultat, nettement moins favorable que ceux des mois précédents, peut s’expliquer notamment par les difficultés rencontrées dans certains secteurs d’activité particulièrement affectés par les attentats de juillet (tourisme, hôtellerie-restauration, commerce de loisir, notamment). À partir de l’âge de trois ans, François quitte sa nourrice mais, le plus souvent, il est confié à ses grand parents, Jean et Geneviève de Monferrand, qui habitent 21 rue Henry-Monnier, dans le 9ème arrondissement. Assumer collectivement des dépenses au nom de la cohésion sociale, c’est le principe du modèle social français. Après plusieurs milliers de kilomètres, les bovins, en provenance de toute l’Europe, s’y retrouvent bloqués des dizaines d’heures – jusqu’à dix jours – sans possibilité de sortir des camions. Les températures peuvent atteindre 38 °C et les systèmes d’abreuvement ne sont souvent pas adaptés ou souillés. La rue, située dans le Bas Montmartre, est voisine de celle où habitent ses parents, à quarante mètres, dans un immeuble moins bourgeois. Il va à l’école maternelle de la rue Clauzel. Déshydratés, les animaux lèchent désespérément les barreaux. D’autres s’effondrent. Faute d’aliments, les bêtes vont jusqu’à se nourrir de leurs excréments. Les animaux malades ou blessés sont abandonnés au milieu de leurs congénères. Dès 1939, le jeune François Truffaut, passionné de lecture, fréquente aussi les cinémas, le soir et souvent pendant les heures de classe. Les quatre candidats à la primaire écologiste confrontent mardi leurs personnalités et leurs idées pour le premier débat télévisé censé les départager, avec un avantage pour Cécile Duflot, plus rompue à l’exercice et connue du grand public. Ahmad Al Faqi Al-Mahdi était accusé de crime de guerre pour avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre neuf des mausolées de Tombouctou (nord du Mali) et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia entre le 30 juin et le 11 juillet 2012. Il a été condamné mardi lors d’un verdict historique à neuf ans de prison par la CPI, un jugement salué par l’ONU et les ONG comme « un signal fort » contre la destruction de patrimoine culturel. Il collectionne près de trois cents dossiers constitués d’articles de journaux découpés et de photographies volées dans les cinémas sur les cinéastes, Renoir, Gance, Cocteau, Vigo, Clair, Allégret, Clouzot, Autant Lara… « Ce sont des images épouvantables, qui montrent des animaux dans de grandes souffrances, avec des infrastructures et des contrôles totalement défaillants. Je cherche dans le paysage le trou invisible d’une serrure par où les lieux s’échappent. Et le tout en violation des réglementations françaises et européennes. » Revenir, recreuser. Écrire, c’est chercher des ébranlements infimes, c’est espérer trouver le détail qui provoque un saisissement : en regardant le portait de ma grand-mère, je découvre qu’elle tient une clé dans sa main. Une « évaluation non pas à un instant particulier mais au fil de l’eau ».
Mercredi 27 septembre 2017
Cela s’est passé la veille, mais tu y penses encore. Un raid américain à Kaboul a fait « plusieurs victimes » civiles, mercredi 27 septembre, pendant la visite du chef du Pentagone et du secrétaire général de l’OTAN, venus réaffirmer leur « engagement » en Afghanistan contre le terrorisme. Tu espères. Ce projet te porte toute cette journée encore. Aux termes de la « nouvelle stratégie » annoncée par le président Donald Trump, 3 000 Américains sont attendus en renfort des 11 000 déjà présents en Afghanistan, théâtre depuis octobre 2001 de la plus longue guerre américaine. Malgré « les regrets profonds » exprimés par l’OTAN et l’annonce d’une enquête, les bavures comme celles de mercredi, liées le plus souvent aux raids aériens des forces américaines, alimentent la rancœur et la colère des populations contre les forces occidentales. J’ai passé un entretien dans un quartier où je ne me rends jamais. Les photographies que tu j’y ai prises en témoignent. Mais de l’entretien aucune trace et pourtant c’est à lui que je pense toute la journée. Cette perspective de partir travailler à Naples pendant un mois pour écrire l’histoire que j’ai en tête depuis déjà plusieurs années. Cela se confirme encore une fois, tes projets s’inscrivent dans la durée. Une gestation longue leur est nécessaire. Pas douloureuse, mais longue. Plusieurs années. « L’objectif est d’être premier dans ce groupe mais il manque encore quatre journées, on va penser au prochain match et on va penser au reste du chemin. » Au moins sept tonnes de raisins ont été volées sur pied dans les vignobles du Bordelais en une dizaine de jours, un phénomène récurrent pendant les vendanges mais qui n’avait jamais atteint une telle ampleur. « La tentation est grande de se servir chez le voisin ». L’ONG Human Rights Watch (HRW) accuse le Cameroun d’avoir « renvoyé de force 100 000 Nigérians dans leur pays depuis janvier 2015 », alors qu’ils fuyaient les violences du groupe djihadiste Boko Haram. Toujours selon le même protocole. Une période où le projet éclot autour d’une idée. Je la développe, je la propose à un éditeur, pour un projet de résidence, ou de programme radiophonique. Souvent la réponse est négative, ce qui m’incite à me focaliser et à me concentrer sur d’autres projets. Il y a toujours un moment où ce projet, mis en sommeil, est ranimé par une actualité, une rencontre, une opportunité inattendue. Le travail amorcé plusieurs années avant donne au projet une force, une cohésion qu’il n’aurait pas sans ce travail préalable. La « pause » décidée par le président de la République dans les grands chantiers d’infrastructures semble terminée. La France et l’Italie sont « pleinement engagées » pour que la section transfrontalière de la ligne ferroviaire Lyon-Turin soit menée à bien, a déclaré mercredi 27 septembre Emmanuel Macron à l’issue d’un sommet bilatéral à Lyon. J’ai de nombreux projets en sommeil. La litanie du passage d’ondes gravitationnelles sur Terre se poursuit. Elles font vibrer l’espace-temps qui nous entoure à la manière d’un veau en gelée secoué par un cuisinier. « Aussi longtemps qu’on n’aura pas pris un soldat en flagrant délit d’agression sexuelle, tout ça relèvera des fantasmes de Human Rights Watch » a réagi le porte-parole du gouvernement camerounais, Issa Tchiroma Bakary. Ce que j’écris aujourd’hui dans ce journal, à partir de ce matériau compacte d’informations prélevées dans différents journaux, je tourne autour depuis la lecture du livre d’Olivier Rolin que je citais dans Comment écrire au quotidien. Pour la première fois depuis 2007, la branche famille passerait elle aussi dans le vert, à 500 millions d’euros, contre un déficit d’un milliard d’euros un an plus tôt. « La leçon des séries, c’est que, dans le leadership, il faut oser la transgression pour transformer. Leurs héros sont des personnalités singulières, et pas seulement des leaders visionnaires et charismatiques, tels que l’on présente généralement les manageurs. Les situations décrites ne permettent évidemment pas des analogies directes. Mais les personnalités des séries sont fascinantes et leurs réactions peuvent nous servir, d’autant que nous les voyons évoluer au fil du temps ». Un personnage qui traverse les livres d’une bibliothèque, passant d’un livre à l’autre, d’une histoire à l’autre. L’origine de ces secousses sans gravité est, comme les trois fois précédentes, la fusion de deux trous noirs massifs qui spiralent l’un autour de l’autre avant de ne faire plus qu’un. Dans le mariage, une énergie correspondant à la disparition de la masse de presque trois soleils s’est dissipée, agitant l’espace-temps comme un galet faisant onduler la surface d’un lac. Les sanctions, appelées strikes, pouvaient être attribuées en cas de désinscription tardive, de défaut de réponse dans les cinq minutes après la proposition d’une commande, en cas d’inscription sans être connecté… Au bout de deux, trois ou quatre strikes, selon les cas, le livreur était renvoyé. Il faut regarder le budget 2018 dans le détail pour comprendre le jeu de vases communicants qui s’exerce et les redéploiements prévus. Usant d’éléments de langage assez transparents, Bruxelles nie tout « feu vert automatique » et affirme que l’absence de contrôles aux frontières est « l’essence même » d’un système qu’il convient de préserver absolument car, s’il était mis en danger, « cela signifierait le début de la fin de l’Europe ». « On s’était regroupés devant l’entrée dans une ambiance bon enfant quand un des policiers est arrivé en nous disant : “Nous allons faire usage de la force”, témoigne Marie Pavlenko. Ils ont commencé à charger en nous écrasant avec leurs boucliers. J’ai eu peur, j’ai crié comme un putois. Un CRS m’a attrapée et jetée à terre comme un sac-poubelle. » Résultat : une fracture de la main droite et une incapacité totale de travail de dix-neuf jours pour la romancière, qui va porter plainte pour « coups et blessures ». À 78 ans, Claudine a une vie bien remplie : il y a yoga le mardi, bénévolat le mercredi et, tous les quinze jours, les réunions de son association de « réflexion philosophique ». Le reste du temps, elle fréquente ses amies et sa famille, mais, surtout, elle navigue sur Internet, devenu un véritable passe-temps. « Quand mon mari est mort, il y a quatorze ans, je m’y suis mise, et ça a été une révélation », explique Claudine. « C’est mon fils qui m’a conseillé de changer de modèle. Le chemin sera long et difficile. « Apprendre à me servir de ces objets m’a pris beaucoup de temps. Mais, aujourd’hui, je ne pourrais plus m’en passer ». Rester dans le coup, dans la vie. Dans un savant exercice sémantique, la Commission leur répond que les contrôles doivent demeurer « l’exception », la mesure « en dernier recours ». La réalité semble différente.
Jeudi 27 septembre 2018
Cela dure l’espace d’un instant avant d’envahir tout l’espace et d’accaparer notre attention avec. Notre écoute distraite. Démission de Nicolas Hulot, suites de l’affaire Benalla, annonce de départ anticipé et critiques à peine voilées de Gérard Collomb, polémiques sur les petites phrases du président Macron, flottements sur le prélèvement à la source, inquiétudes sur la croissance, grogne des retraités… C’est une image qui traîne par terre, qui attire le regard. Entre temps tant de choses et d’événements me sont revenus en mémoire. Sans parler des faits du jour. Le premier ministre israélien demande l’envoi d’inspecteurs pour contrôler un site à Téhéran. Il dénonce également le Hezbollah qui, selon lui, cache des missiles près de l’aéroport de Beyrouth. « Ce que l’Iran cache, Israël le trouvera », a lancé le dirigeant israélien, brandissant des photos de l’extérieur du bâtiment, affirmant qu’elles montraient l’entrée de ce site, en pleine capitale iranienne. Alors qu’on aperçoit le rivage européen au loin, les humanitaires essayent de gérer l’attente à bord, au milieu d’une mer houleuse. Un visage d’enfant. Une petite fille. Une image oubliée. Tout le monde passe sans même la remarquer ou la ramasser. J’hésite à la ramasser moi aussi. Christine Blasey Ford, universitaire californienne de 51 ans, a été entendue la première. Elle s’est dite sûre « à cent pour cent » d’avoir été agressée dans sa jeunesse par le juge Brett Kavanaugh. Devant les sénateurs, et suivie en direct par des milliers d’Américains, Christine Blasey Ford a remonté le temps pour décrire une soirée de l’été 1982 qui, a-t-elle dit, a « radicalement » changé sa vie. Après l’avoir poussée sur un lit, le futur juge se serait jeté sur elle, tentant de la déshabiller tout en la touchant partout sur le corps. Le parcours du combattant ne s’arrête pas là. « Je croyais qu’il allait me violer », a-t-elle assuré. Pas question de faire l’impasse. Je prends mon appareil photo et la photographie. Cela dure deux secondes, peut-être trois ? Je suis déjà en train de traverser la rue, laissant l’image derrière moi. Alors que l’arrivée du cyclone Kirk a bouleversé le programme de sa visite de quatre jours aux Antilles – les rassemblements en public ont été interdits par le préfet –, Emmanuel Macron n’a pas souhaité sacrifier la séquence consacrée au chlordécone, un pesticide toxique utilisé durant plus de vingt ans dans les bananeraies et qui a pollué pour des siècles les sols de la Guadeloupe et de la Martinique. Je n’arrive pas à saisir le lien entre les informations. 5,5 millions de Français adeptes des sports électroniques : des chiffres spectaculaires, quatre fois supérieurs à ce qu’annonçait une étude relayée en 2016 par l’agence française pour le jeu vidéo. C’est un geste anodin, et pourtant chaque fois que je regarde cette image, non pas tant l’image originale, mais l’image que j’ai prise, je tremble d’émotion. « La pollution au chlordécone est un scandale environnemental, a reconnu Emmanuel Macron après une courte visite sous des averses. C’est le fruit d’une époque désormais révolue. » On peut bien raconter ce qu’on veut. Tout ce qui nous entoure, ce qui est en mouvement autour de nous, voitures, passants, bateaux, cyclistes, ne parvient pas à nous distraire de ce qui se déroule d’intime à cet instant là. Toutes les informations ne sont rien. Même le Kenya, durement touché par la maladie, le premier à introduire un traitement spécialement conçu pour les enfants. Et tous les événements du jour sur la planète. Ici, le temps s’arrête. Ce qui se passe ne sera jamais à la une d’un journal, ni même traité en dernière page, un entrefilet le ne mentionnera jamais. On préfère diffuser les paroles du président : « On ouvre un processus de reconnaissance ». Tout le monde aura oublié d’ici l’année prochaine de quoi il était question là, mais de mon côté, le visage de cette fillette, photographié, cette photo abandonnée sur le trottoir, comment pourrais-je l’oublier, l’effacer de ma mémoire ? Cette année, au moins 1 260 personnes ont perdu la vie en essayant de relier l’Europe par cette route, selon l’Organisation internationale pour les migrations. Elles sont près de 15 000 à s’y être noyées depuis quatre ans. Un enjeu là aussi à comprendre au sens large : il s’agit aussi bien, dans certains rares cas, d’enjeux financiers, que, plus généralement, d’un simple classement permettant de comparer son niveau à celui d’autres joueurs mondiaux. C’est comme cela que l’Europe a contrôlé la tuberculose dans les années 1950 et 1960. « Il faut toujours se battre contre les mentalités et les traditions sur le terrain, mais au moins nous avons posé un cadre législatif et ça, c’est très important. » Je revois son visage inquiet sur la photographie. Je pense à la perte de cette image et celle que j’ai prise de mon côté. J’entends au loin des propos dont tout le monde a depuis longtemps oublié le sens. Comme à son habitude, il s’est employé à distribuer les bons et les mauvais points, ponctuant ses réponses d’anecdotes et de considérations sur la marche du monde.
Énorme et superbe travail ! Admiration & plaisir de lecture. Merci.
Merci beaucoup Jérémie, très touché par cette lecture.
Bravo, super impressionnée !
Ravi que cela vous plaise Jeanne. Pour ma part, je ne lirai les textes des autres que demain !
de l’avantage de faire plus qu’écrire tous les jours, mais de penser … ai voulu reprendre mes broutilles de 27 septembre, n’avais rien d’aussi grave (veux dire intelligent) à cueillir